J’adore l’écouter parler de ce qu’il fait dans la vie, même lorsqu’il parle de son passé de militaire où se mélange tristesse et fierté. C’est facile de voir à quel point il aimait ce qu’il faisait. S’en est presque triste de se dire qu’il ne peut plus faire ce métier qui lui mettait tant d’étoile dans les yeux.

- C’est vrai que ce n’est pas cette partie du métier de militaire qu’on a en tête en premier lieu. Ça prend toujours un moment avant de pouvoir trouver ce qu’on veut faire après avoir exercer le métier de notre rêve… Je suis certaine que tu es un excellent garde du corps maintenant.

Je parle doucement parce que je me remets de ma crise de panique, certes, mais aussi parce que je tente de lui apporter un peu de positif. Déformation professionnelle très certainement. Je ne le force pas à parler de ce dont il n’a pas envie, comme du comment il a quitté l’armée. J’ai bien compris que ce n’était pas un sujet qui lui était facile à aborder. Déformation professionnelle encore une fois. Puis, ces paroles sur les parents absents me font baisser la tête. Je sais malheureusement trop bien de quoi il parle. Non pas que mes parents étaient souvent absents, mais ça aurait surement été mieux comme ça. Je n’avais pas l’impression de vivre avec mes parents, mais plutôt avec des… personnes qui voulaient créer leur clone. L’affection, les paroles réconfortantes, tout ce qui fait d’un parent, un parent aimant, je n’ai jamais réellement connu ça. Je suis la fille d’un couple d’aristocrate, ils n’ont pas le temps pour ce genre de gamineries. Il faut garder la tête haute et montrer qu’on est fier et important.

- On peut tout de même bien tourner malgré l’absence de parents aimants et c’est une chance.

C’est sûr que j’avais la chance d’avoir mes frères, Charles et Clay, et ma peut-être sœur pour compenser l’absence de mes parents. Ça a surement jouer pour beaucoup. Le fait que je récupère mes choses au vestiaire me permet de changer mon mindset et c’est sûrement mieux comme ça. Avec l’alcool qui coule dans mes veines, la crise d’angoisse que j’ai fait et mon état général, il serait mieux que je ne déprime pas sur ma famille dysfonctionnelle. Je hausse les épaules à ses paroles. Certes, je ne suis pas lui, mais comment je peux être crédible de lui dire qu’il n’a pas besoin de l’alcool pour s’en sortir si je me saoule à la limite de perdre la tête dans le simple but de me sentir « normale » pendant une soirée.

- Je le garde à l’œil, il ne pourra que s’en sortir. Mais, il faut bien que mes paroles suivent ce que je dis non ? Sinon, quel poids auront mes paroles ?

Je serre sa cape autour de moi, comme si ça pouvait être un bouclier qui me protégerait du reste du monde. Je suis épuisée de vouloir être parfaite sur tous les fronts. Mais, je ne sais pas vivre autrement. C’est comme ça que j’ai été élevé. Qu’est-ce que je ferais si je laissais tout tomber ? Ça serait un échec, y’a pas d’autres mots… J’ai tellement envie de me plonger dans les bras de mon bel inconnu juste pour oublier le monde un instant. Est-ce que c’est irresponsable de vouloir l’embrasser et d’aller plus loin juste pour ressentir un semblant de contrôle sur ma vie ? Très certainement oui. Comme ma mère dirait « les jeunes filles doivent se préserver pour le bon. Nous ne sommes pas là pour se donner au premier venu. » Qu’est-ce que j’aimerais faire taire sa voix dans ma tête. Ça serait un bon moyen par contre… En plus, il m’attire beaucoup…

- D’accord, mais si tu as froid, tu me le dis et je te la rends.

Je lui rends son sourire. Je serais triste de perdre son odeur qui m’envelopper, mais je ne voudrais pas être la cause du fait qu’il soit malade demain. Mes joues se teintent de rouge lorsqu’il me dit qu’il connait déjà mon nom.

- J’oublie toujours que mon nom est écrit sur mon uniforme.

Je tente d’expliquer le pourquoi du comment malgré la gêne qui m’habite, surement accentué par l’alcool. Mais, c’est surtout pour les idées qui se créent dans mon esprit par le fait qu’il se souvienne de mon nom. Un sourire un peu plus grand se dessine sur mes lèvres lorsque je découvrir son prénom.

- Enchanté Dallas.

Je m’installe dans sa voiture, la tête poser sur le siège, mais surtout tournée vers lui. Un petit sourire amusé se dessine sur mes lèvres à ses paroles.

- Tant que j’ai pas à marcher dans le froid, la distance jusqu’à chez toi ne me dérange pas. Mais, je ne dis pas non pour le chauffage par contre.

Je souris, mais je ne souris pas tant finalement, parce qu'être militaire me manque. Je ne pourrais plus l'être, mes test psychologiques n'ayant pas été concluant et de toute manière la retraite anticipé à été prononcée alors je n'ai pas tellement le choix, mais ils m'ont mis tellement dans l'embarras, je me suis senti inutile d'un coup, ça a été brusque. Je ne pensais pas que je serais jeté aussi facilement, mais ça c'est une autre histoire et ce n'est pas celle de ce soir. Je me contente juste de sourire quand elle dit que je suis sans doute un excellent garde du corps. Je hausse les épaules et je réponds:

"J'essaie de l'être."

Puis je lui parle un peu des mes deux zigotos, les petits jeunes dont je m'occupe, bien sur qu'on peut réussir sans ses parents, mais c'est tout de même bien triste qu'ils ne soient jamais là et qu'ils soient livrés à eux même si jeune alors je m'explique un peu mieux:

"Je me doute qu'on peut, seulement c'est triste de voir à quel point certains parents n'ont pas de considérations pour des enfants qu'ils ont fait naître, je trouve ça tellement ... dommage, pourquoi faire des enfants si c'est pour les laisser seul? Ils n'ont rien demandé eux. Ils n'ont pas demandé à être là et ils le sont. Ils font avec et je crois que je ne pourrais pas avoir d'enfants pour ça, même si j'aimerais en avoir, j'aurais trop peur qu'ils m'en veuillent ..."

Ils auraient toutes les raisons du monde de m'en vouloir, surtout si je ne suis pas net dans ma tête et je suis loin de l'être. Je ne sais déjà pas m'occuper de moi, alors d'enfants ... puis je crois que je n'ai plus tellement l'âge pour ça ... je me fais vieux il parait.

Elle me parle de sa famille et de son frère, je comprends que leur passé est compliqué, sans doute que leur présent aussi d'ailleurs et j'ajoute:

"On peut tous se tromper et faire un petit écart de temps en temps, il n'est pas forcé de le savoir."

Oui je suis comme ça, j'estime qu'on n'est pas forcé de toujours tout faire correctement, même si on a montré l'exemple, ce n'est pas tellement facile d'être au top tout le temps. Je comprends qu'on puisse parfois craquer, qu'on puisse ne pas être " à la hauteur" comme on le voudrait, ou comme les autres le voudrait, mais ça c'est encore très différent. Je lui fais un sourire, je ne risque pas d'avoir froid, mais j'acquiesce. On ne s'était pas officiellement présenté, alors maintenant c'est fait. J'appuie sur le chauffage, au moins elle n'aura pas froid et je lui dis:

"J'habite à Staten Island, ce n'est pas tout prêt, mais ce n'est pas loin non plus en voiture. Est-ce que tu as faim? Je peux m'arrêter prendre quelque chose si tu veux."

Je lui demande, je n'ai pas beaucoup mangé ce soir, alors autant faire une pierre de coups non?

Je lui rends son sourire, même si je vois que le sien cache une certaine tristesse. Je veux même pas imaginer dans quel état je serais si je ne pourrais plus exercer mon métier de psychiatre. J'ai tellement travaillé fort pour le devenir et je me suis toujours imaginer l'être alors... je crois que je me sentirais tellement perdue de ne plus pouvoir le faire. Alors, je fais au mieux pour le comprendre. Mon sourire s'agrandit un peu plus lorsqu'il me dit qu'il essaie de l'être.

Puis, la conversation tourne vers les deux jeunes qu'il protège et le fait d'avoir des parents absents. Je ne peux qu'être d'accord avec ses paroles. La distance qu'il y a eu entre mes parents et moi a été difficile à vivre plus jeunes. Même en vieillissant, ce n'était pas ce qui était de plus facile à vivre, mais au moins j'avais Charles et Clay qui m'apportaient beaucoup de ce qui me manquait.

- Je ne comprendrais jamais les parents qui ne s'occupent pas de leurs enfants ni qui ne leur montrent qu'ils les aiment. Techniquement, si on fait des enfants, c'est pour les aimer et les mettre en priorité numéro une. Pourquoi ils pourraient t'en vouloir ? Si tu leur apportes amour et soutien, ils ne pourraient que t'aimer. Puis, à voir comment tu parles de tes deux protégés, je suis certaine que tu serais un excellent père.

Et j'en suis parfaitement convaincu. Je ne sais pas si c'est l'alcool ou la fatigue qui me tombe dessus après ma crise d'angoisse, mais j'imagine Dallas avec un enfant et c'est vraiment mignon. Or, ce qui est plus étrange, c'est que, pendant une seconde, j'imagine former une famille avec lui. J'ai vraiment trop bu. C'est même surprenant que j'arrive à marcher pas trop mal. Heureusement qu'on ne marche pas trop vite en fait.

Viens le moment où je mets mon problème de conscience dans la conversation lorsque je parle du fait que je suis totalement bourrée, mais que je le reproche à mon frère. Je hausse les épaules à ses paroles. C'est sûr qu'on peut tous avoir un écart de temps en temps. Mais, c'est surtout le fait que lui cacher encore une nouvelle chose. Personne n'est au courant que je suis une toxico. Je ne consomme plus, mais je le reste tout de même. Je vais le rester toute ma vie.

- C'est sûr... J'aime juste pas cacher des choses à mon frère...

Et c'est très paradoxale puisque je lui cache déjà certaines choses, mais... je me convaincs que c'est pour son bien. S'il ne sait pas pour la coke ou l'alcool, il ne pourra pas s'inquiéter pour moi et s'imaginer le pire. Ainsi il ne pourra pas se mettre le poids de mes erreurs sur ses épaules, comme il le fait pour Charles, et il ne pourra que guérir plus vite.

La chaleur de la voiture m'enveloppe rapidement pour mon plus grand bonheur. Je l'écoute parler, la tête appuyé contre le siège et le regard sur lui. Il est vraiment beau... J'ai encore et toujours envie de l'embrasser. Je fronce les sourcils tentant de me concentrer sur la question qu'il m'a posé. Ah oui ! Si j'ai faim.

- Un petit McDo ne sera pas de refus si vraiment ça ne te dérange pas. Sinon je peux très bien survivre en retrouvant seulement le lit de ta chambre d'ami.

Je lui réponds avec un petit sourire. La fatigue commence à me rattraper après toutes ces émotions et dans le confort et la chaleur de sa voiture.

Je suis d’accord avec elle, je voudrais avoir un enfant, je veux être père, mais pas dans l’état actuel où je suis. Je suis trop abîmé pour m’en occuper correctement alors je préfère autant m’occuper de ceux des autres puisque mon travail me l’a imposé. J’aimerais vraiment être père, c’est un de mes désir les plus profond de fonder une famille, ma famille, mais je sais que ça serait trop égoïste et difficile alors quand elle me dit que je serais un bon père, bien sûr que ça me fait plaisir et en même temps ça me fait un peu de peine et je fini par dire :

« J’aurais pu avoir une famille et j’ai tout gâché, j’ai été infidèle. C’est à croire que je fais toujours tout pour tout gâcher. Je suis sûr que ça serait la même chose si j’avais des enfants, j’aurais trop peur de leur faire du mal, de ne pas être à la hauteur comme l’ont été mes parents. J’ai eu des parents merveilleux et je ne serais jamais aussi bien qu’eux. »

J’ai eu de la chance d’avoir une famille « fonctionnelle », d’avoir une mère qui était là pour m’écouter et m’épauler et d’avoir un père qui adorait passé du temps avec moi, bien sûr il arrivait qu’on se disputait, mais ce n’était pas grand-chose. Ils ont été fiers quand je leur ai dit que j’allais à l’armée et ils ont eu peur quand j’ai été rapatrié. Je ne leur ai pas vraiment dit pourquoi j’avais quitté ma fiancée, mais elle l’a fait et on s’est un peu brouillé parce qu’ils ne me voyaient pas avec un homme. C’est compliqué que voulez-vous.

Je ne sais pas trop ce que c’est que d’avoir un frère ou une sœur, mais j’imagine que ça crée des liens et que ça ne doit pas être toujours simple, je comprends qu’elle veut lui montrer le « bon exemple », je déteste ce mot –là. Ça ne veut rien dire pour moi, bon exemple … enfin bref c’est une autre histoire. Je suis là donc et je la regarde avant d’arriver à la voiture et de dire :

« Je suis sûr qu’il comprendra et tu n’es pas obligé de tout dire, ce n’est pas forcément mentir, tu ne dois pas toujours tout expliquer, c’est ta vie. »

C’est fatiguant de toujours se justifier de tout. Je souris quand elle me dit qu’un mcdo lui ferait plaisir, alors je me met en route et je lui réponds :

« J’ai faim aussi, ça tombe bien. »

Je lui fais un sourire avant de démarrer.