angry people are not always wise.
★ ─ w/ @Dracule Foxglove

Une main sur le haut de sa tête et l'autre sur sa souris, Siobhan est concentré. Fatigué. Épuisé. Tous les adjectifs la décriraient. Sa jambe tremblote de l'impatience d'en avoir terminé. Avec cette journée, cette semaine, ce dossier. Cette construction au abord si simple qui semblait devenir un mal de tête conséquent. Des permis en règle, des fonds déjà levés, dont la majorité de sa poche à elle et ses parents, et la voilà bloquée. Des délais, elle aurait pu le prévoir. Elle l'avait prévu, c'est pour ça qu'elle avait des fonds d'urgence, mais ce n'était pas un fond qui prenait en compte l'inconvénient que commençait à devenir Dracule Foxglove. Il bouffait son air, littéralement. Et même quand il n'était pas là elle entendait parler de lui, devait penser à lui. À comment travailler autour de son indignation, autour de son interférence. Constamment en train de faire fuir ses futurs et présents investisseurs, architecte. Elle le détestait. Qui voudrait travailler sur un projet aussi contentieux ? Comment pouvait-elle les convaincre de patienter un peu plus, de miser sur son savoir-faire, elle qui avait tant à prouver ? Elle regrettait de s'être tourné vers autant de connaissances à ses parents. Plus s'en détournait du projet, plus elle en entendrait parler. Elle redoutait de les voir, surtout lorsque le prochain dîner de famille était si proche. Elle savait ce qu'elle entendrait. Elle savait de quoi ils allaient parler. De son projet. De comment elle gère 'leur' entreprise. Elle redoutait de les entendre émettre des doutes sur son travail presque autant que la mort. C'était pire qu'une mort physique, leur approbation comptait pour elle d'une manière pratiquement spirituelle. Leurs remarques la tueraient, mais d'une certaine manière elle regrettait presque autant leur silence. Qu'elle prendrait pour de la pitié peut-être ? Peut-être qu'ils décideraient en secret de reprendre les rênes de Thames Estate. Peut-être que c'est de ça qu'ils discutent en ce moment-même ? C'est de ça auquel elle pense. De jour, de nuit, mais surtout en cet instant précis. Quand son assistant la rejoignait, la peur sur le visage, ouvrant la porte de son bureau. « Je ne suis pas d'humeur Andrew. » Il bégaie. Timidement, stressé. Elle avait envie de lui crier de cracher le morceau, mais son regard intransigeant le faisait pour elle. Il avait cinq secondes pour parler ou partir, pas une de plus. « ...Monsieur Roy vient d'appeler. Il se retire du projet. » Pardon ? Elle le regarde sans rien dire. Ses mots l'atteignant comme une claque au visage. « Il a reçu pas mal d'email de protestation et il aurait bien voulu les ignorer, mais apparemment, une journaliste écrirait un article sur l'opposition à la construction et elle voulait un commentaire des investisseurs qui finançait le projet... Il dit ne pas avoir besoin de la mauvaise presse. » Le visage de Shiv se liquéfie. Elle ne dit pas un mot. Il comprend son silence comme une demande de se retirer et il le fait. Après quelques minutes, elle prend sa veste et quitte Manhattan. Elle ne sait pas encore où elle va. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle a trop investi dans ce projet pour le laisser s'évaporer sur les caprices d'un pseudo-paléontologue, ah ça non. Elle marche dans les rues de la ville. Le nez enfouit dans son téléphone et elle le recherche. Lui. Ses études. Ses origines. Connais ton ennemi et connais-toi toi-même; elle savait même où le trouver... Où le trouver...

Siobhan passait à côté d'une centaine d'élèves, professeurs, agent de sécurité. Elle connaissait cette université comme sa poche. Elle y avait passé des années à la fois tendres et horrifiques, mais pas assez pour qu'elle en oublie les recoins. Elle se faufile dans lerner hall et le trouve. Exactement où elle pensait le trouver, son travail de pseudo-détective qui payait enfin. Elle attendait dans le cadre de la porte de l’amphithéâtre en silence, ne feignant pas le moindre intérêt pour sa matière. À vrai dire, elle se donnait du mal pour exprimer son ennui. Ne levant pas les yeux de son téléphone une fois, jusqu'à ce que la salle se vide enfin. Un par un, ses élèves quittait son cours. Certains rapidement, d'autres nons. Elle ne pouvait s'empêcher de juger les élèves qui désiraient l'attention du paléontologue. Vraiment ? Lui ? Une grimace tordait son visage pendant qu'elle se perdait à les contempler. Puis le contemplait lui. L'assurance dans sa posture, les boucles dans ses cheveux, la malice que l'on pouvait trouver dans son sourire... Sa grimace s'évapore, un certain entendement s'installait. Peut-être qu'elle comprenait au fond...

Lorsque Drake donnait cours, cela lui procurait toujours un certain plaisir. Voir toutes ces têtes, ces paires de yeux rivés sur lui, buvant ses paroles (sauf lorsqu'ils dessinaient des dessin sur le coin de leur feuille ou jouait à un jeu sur leur ordinateur) jusqu'à la fin du cours. Enseigner était une chose qui lui plaisir et il avait la chance ainsi que le luxe de pouvoir le faire en plus de ses recherches habituelles. Et puis, actuellement, cela lui changeait de ses soucis réguliers. Il avait tellement de chose en tête qu'il avait du mal à s'endormir et les insomnies étaient ses meilleures amies en ces temps compliqués. Pour paré à cela, il lisait, mais son cerveau le retenait tellement que même la lecture, aussi captivante pouvait elle être, était devenue compliquée. Il avait de la chance de ne pas garder Wendy en ce moment, il lui donnerait que peu d'attention autrement. Ou alors mal, pas comme il le souhaiterait. Il l'appelait néanmoins tous les soirs pour savoir si elle allait bien et si elle avait bien travaillé à l'école. Entendre sa voix fluette lui faisait le plus grand bien. Même son ex femme le rassurait. Une aubaine que peu d'homme à sa place aurait eu... Peut être.

Le cours se déroula convenablement, car malgré ses peu d'heures de sommeil, il était plutôt vif et animé. La passion s'entendait au son de sa voix, il n'avait pas de ton triste et monotone qui pouvait endormir ses élèves. Lorsque la fin arriva, deux élèves vint à sa rencontre pour lui poser des questions, auxquelles il répondit bien évidemment.  C'était là une grande satisfaction que de constater que ce qu'il disait pouvait captiver et rendre curieux. Le passé intriguait beaucoup de gens dans tous les cas. Lui-même avait été un grand adepte lors de ses années étudiantes... Même si, bien évidemment, il n'avait pas choisit cette branche là pour rien.
Les deux élèves finirent pas disposer et Drake rangeait là ses dernières affaires. Pourtant, il y avait encore quelqu'un d'autre dans l'amphithéâtre, non loin de lui. Il sentait sa présence, électrique mais encore peu connue. Lorsqu'il releva la tête après que son cartable ait été fermé afin de savoir qui se trouvait encore sur place, il crut que son sang se glaçait. La silhouette fine d'une jeune femme qu'il avait, malheureusement, reconnue, se dessinait dans son champs de vision. Aussitôt, il perdit son regard sur un point perdu, sur le côté. Que lui voulait-elle? Pourquoi était-elle là? Plein d'autres questions s'éparpillaient dans sa tête. Finalement, il redressa son visage pour oser planter ses yeux dans les siens. Il posa son cartable sur son bureau de tout son poids, ce qui s'entendit au choc que cela produisit. Il garda les main sur la poignée, adoptant une posture assurée.

"J'ignorais que la paléontologie vous passionnait finalement, mademoiselle Thames."

Le ton de sa phrase trahissait l'ironie qu'il avait employé. Parce qu'il savait très bien qu'au fond, elle n'était pas là pour apprendre. Ou du moins, il en avait la conviction.