Je passe en deuxième année, ça je ne m’y attendais pas, mais après tout j’ai eu de bonnes notes même si je suis arrivé en milieu d’année, j’ai su rattraper mon retard, je peux donc retourner l’année prochaine mais je doute que j’y aille vraiment, vu ma situation … je n’arrive pas à croire que ces élastiques se soient décrochés, sans ça j’aurais évidement pu aller en deuxième année, mais je suis là, incapable de bouger pour le moment, ils m’ont dit que je pourrais remarcher, que mon dos n’avait pas été touché, miracle, seulement ma jambe, quelques côtes. Je ne me rappelle pas de grand-chose, juste d’un trou noir. Je n’attendais pas spécialement de visite, je n’ai pas encore fait ma réinscription et je ne sais pas si je vais la faire, pour le moment je ne pense pas à grand-chose, enfin si à trop de choses, bref j’entends la sonnerie de l’interphone, je fronce les sourcils, je fais avancer le fauteuil jusqu’à la porte d’entrer et heureusement que j’ai des grands bras, sinon ça serait complexe, mais j’ai mon petit frère qui est là, il est venu habiter ici, pour m’aider … et puis y a Volt aussi, mais je ne peux même plus le sortir. J’appuie sur le bouton de l’interphone et j’entends la voix d’Allegra, c’est un peu elle qui m’avait convaincue de m’inscrire, beaucoup même, je me demande comment elle su, ce n’est sans doute pas un secret. Je devrais trouver ça gentil qu’elle vienne me voir, mais vraiment je n’avais pas envie de voir qui que se soit. Volt aboie tout content de voir du monde, l’appartement est bien sur assez grand pour qu’il court partout, c’est l’avantage d’habiter un penthouse et d’être riche, je dois le reconnaître. J’attends qu’elle arrive pour lui ouvrir la porte, je ne maîtrise pas encore bien le fauteuil et ma jambe dans le plâtre ne facilite pas la chose. Je lui ouvre et la laisse entrer, Volt lui fait la fête, ça a beau être un berger Allemand, il agit toujours un petit chien et comme un chiot aussi, ça fait pourtant quelques années que je l’ai, mais il a toujours été comme ça finalement, joyeux, tout le contraire de moi.

« Salut, personne ne vient jamais ici … j’évite en général qu’on entre dans ma bulle. »

Ce n’est pas vraiment très encourageant, je le sais, mais c’est la vérité, je n’ai jamais amené beaucoup de monde ici, je les amène soit au ranch, soit dans mon ancien chez moi chez mes parents, mais pas ici, parce qu’ici il y a vraiment le vrai moi, tout ce que je ne voulais pas qu’on sache et je sais que c’est bizarre. Je hausse les épaules quand elle me dit qu’il fait presque trente dehors et je grimace, parce que juste ce mouvement me fait atrocement mal.

« J’ai la clim … »

Je sais qu’elle veut dire par là que je pourrais sortir, que ce sont les vacances, mais je n’ai vraiment pas le cœur à sortir, je n’ai pas envie qu’on me voit comme ça. C’est bien pour ça que je n’ai pas envie que Daniel vienne ici non plus, même si je sais que je ne pourrais pas l’empêcher parce que mon frère magouille avec lui pour qu’on se voit, petit traitre.

« Puis je vais gêner, ce n’est pas vraiment pratique de rouler en fauteuil dans new-York … Alors tu as eu ton année ? »

Je demande mais je pense ne pas me tromper en me disant qu’elle a du l’avoir, vu comme elle est travailleuse.

Je fronce les sourcils quand elle me dit qu’elle a été égoïste, pourquoi est-ce qu’elle pense ça ? Je n’ai pas donné non plus souvent de nouvelles. Je recule un peu pour la laisser entrer dans l’appartement, enfin appartement … ça pourrait être une maison tellement c’est grand finalement, mais j’aime cet endroit, je m’y sens en sécurité, c’est sans doute pour ça que jusqu’à maintenant je m’y suis enfermé et j’ai refusé de sortir avec tous mes amis qui me l’ont demandé, alors elle n’a vraiment pas à se sentir mal pour ça et je lui dis :

« Tu n’as pas être désolée, tu n’as rien fait de mal, je ne voulais voir personne, même mon frangin n’arrive pas à me faire sortir d’ici depuis que je suis rentré. »

Je vois bien qu’elle tente de me faire sortir en me disant qu’il fait chaud dehors et c’est vrai que cet été est particulièrement chaud à en croire les météorologues, mais ici il fait bon et la température est agréable, je n’ai pas spécialement envie de me retrouver dehors dans les rues de Manhattan avec ce truc roulant, ni de voir le regard des gens sur moi.

« Elle fonctionne, mais je ne tiens pas non plus à être malade parce qu’il ferait trop frais, je ne voudrais pas abuser des bonnes choses. »

Je sais qu’elle veut bien faire, mais je n’ai vraiment pas envie de sortir pour le moment et de me rendre compte de la réalité des choses.

« Ne te fatigue pas, je ne veux aller nulle part. Je suis bien ici. »

Je ne veux pas la vexer, c’est adorable qu’elle soit venue jusqu’ici, finalement peu de monde l’ont fait, parce que je ne laissais pas venir, c’est déjà un bon début que je l’ai laissé entrer.

« J’aurais aimé voir ça. Je suis sûr que tu as dû être merveilleuse. »

Si il y a un peu d’amertume dans ma voix ? Oui parce que j’aurais aimé voir cette pièce, parce que j’avais aussi un autre spectacle à donner à qu’a cause de cette chute, je ne pourrais pas faire tous les spectacles de fin d’années qui étaient prévus, alors que j’adore ça. Je me suis vraiment épanoui cette année. C’est vraiment injuste que ça se termine comme ça.

« C’est cool qu’ils soient venus, les miens n’étaient pas là, enfin si ma mère était là et mon frère … ils m’ont vu tomber … »

Et bien sur il y avait Daniel mais je ne l’ai su qu’après et j’espère qu’il ne va pas débarquer là, il lui arrive de venir encore me voir, il essaie de me changer les idées, mais rien n’y fait mon humeur est toujours massacrante.

« Tu vas faire quoi alors cet été ? »

Je demande pour parler d’autre chose, parce que finalement je préfère autant qu’on parle d’elle.


@Allegra Messina

Elle n’a pas l’air convaincue de mon discours sur la clim, mais elle n’insiste pas et je l’en remercie. Elle n’a pas idée à quel point je me sens vulnérable là-dedans, à quel point je n’ai pas envie qu’on me voit dans cet été, même si ce n’est pas dramatique, enfin pas autant qu’on pourrait le croire, c’est la vie, les accident ça arrive et je l’ai peut-être mérité finalement. Je fronce les sourcils quand elle me parle de jeux de sociétés, j’ai un petit sourire, pas méchant, non, juste que je ne m’attendais pas à ça. Je n’en ai pas vraiment ici, peut-être que mon frère en a, j’ai une console dans le salon, que j’utilise peu finalement, je suis plus souvent en train de lire ces derniers temps.

« Oh … pourquoi pas, mais je n’ai que des jeux consoles … je crois que les seuls jeux qu’on a en plateau si ou en carte c’est mon petit frère qui les as … je n’ai jamais été très doué pour ces trucs là et je préviens je suis un mauvais perdant. »

Je lui fais un sourire, elle se doute de ça, vu mon caractère, elle sait que je n’aime pas perdre. J’ajoute :

« J’ai mario kart … »

J’adore ce jeux, mais je ne suis pas forcément très doué, le plus doué reste mon frangin bien sûr. Puis elle me parle du spectacle et ça me fait un peu mal parce que j’aurais aussi du y participer, mais je n’ai plus vraiment de chance de faire partie d’une comédie musicale maintenant … quoi que. Je souris quand même avant de dire :

« J’aimerais beaucoup la voir, tu sais … j’ai presque envie de m’inscrire à un club de chant mais je doute qu’on veuille de moi pour une comédie musicale … je n’ai jamais chanté devant qui que se soit, juste sous ma douche, je ne suis même pas certain d’avoir un réel talent pour ça, mais toi tu l’as et bien sur que je veux voir ce que vous avez fait. »

Elle est jolie, elle chante bien, elle est gentille, la fille que tout le monde aimerait avoir finalement, je sais que j’ai été un pauvre nul face à elle et je m’en veux beaucoup. Je n’ai pas été réellement là. J’étais là mais j’étais trop égoïste, trop occupé à me plaindre de tout alors je relativise depuis et j’essaie de faire mieux. Je me pince la lèvre quand elle me dit que je n’ai pas expliqué ce qui s’était passé, c’est vrai, je crois que je suis prêt à en parler maintenant, c’est un peu plus simple, même si ça fait toujours « mal » de me l’entendre dire :

« Bah … Je suis juste tombé du haut de mes élastiques de voltige, on faisait le spectacle de fin d’année, je m’étais inscrit depuis le début d’année, je faisais ça après les cours et même mère est venu me voir, j’ai eu du mal à le croire quand je l’ai vu, puis l’élastique à lâché, je ne sais pas s’il a lâché ou si c’est moi qui me suis raté. J’ai atterri deux mètres plus bas, mais je ne m’en rappelle pas. J’ai fait deux jours de coma, c’est Da … »

Merde, ne pas parler de Daniel. Je ne voudrais pas que tout ce qu’on a pu dire sur moi, tout ce qu’on a réussi à cacher et que tous les efforts qu’on a faits, pour me griller aussi facilement, même si c'est fini qu'on s'est plus ou moins dis adieu la dernière fois et que je ne me suis toujours pas vraiment remis de cette rupture. J'en ai écris des lettres que je laisse dans ma chambre pour lui, que personne ne verra jamais, parce que je le garde pour moi. Je n'ai plus vraiment le droit de lui parler, ni de l'approcher, du moins en cours, mais c'est dur, je me reprends donc :

« C’est mon frère qui me l’a dit. Les médecins disent que je pourrais peut-être remarcher, c’est mes côtes qui ont pris quand je me suis étalé sur le côté, j’ai cru que … que j’étais mort … apparemment je l’ai été une seconde ou deux … c’était très bizarre … je suis resté un peu en soin intensif et j’ai pu revenir, mon frère s’occupe de moi, il fait des études d’infirmier, je suis son nouveau projet scolaire. Je ne suis pas vraiment sûr de pouvoir danser de nouveau un jour … »

C’est ça qui me fait le plus de mal. J’ai tellement mis de hargne à vouloir faire ce que mes parents voulaient, que je n’ai pas profité pleinement de tous ces moments ou je pouvais être moi-même.

« Monaco, je n’y suis jamais allé, ça doit être chouette, tu parles un peu français ? »

Je n’ai rien de prévu pour les vacances alors je sais que je vais scroller la vie des autres sur les réseaux et que ce n’est pas forcément très, très sain, mais je ne vois pas comment je pourrais partir dans mon état. Je dois rester pour pleins de raisons, pour la rééducation quotidienne notamment.

@Allegra Messina