Un soupir traverse mes lèvres lorsqu'elle me dit partir maintenant. J'ai pas envie de la voir, cette rancune concernant sa présence beaucoup trop réduite est bien forte, mais j'ai besoin de la voir, au fond de moi, c'est une nécessité. Je déteste le fait qu'elle ne soit plus aussi présente qu'avant, qu'elle fasse passer le travail en priorité sans prendre la peine de se libérer plus que ça. Souvent, je me demande si elle ne fait pas exprès. Après tout, elle pourrait très bien en avoir marre de moi. Ça serait pas surprenant, je ne fais qu'apporter plus de problème qu'autre chose. Elle pourrait bien me détester, juste abandonner. Tout le monde finit par abandonner de toute façon, et c'est mieux comme ça. C'est mieux pour tout le monde. Mon entourage se porterait bien mieux sans moi, ça c'est certain. Je me dis que je devrais libérer mes proches du fardeau qu'est ma présence...

Je secoue la tête pour remettre mes idées en place, reposant sur le comptoir ce couteau que je n'avais même pas réalisé avoir pris dans mes mains. Définitivement, je ne peux pas me faire confiance. Je quitte donc la cuisine pour aller m'installer sur le canapé, loin des tentations morbides. Je m'étire pour prendre ce joint plus tôt roulé qui repose sur la table basse et viens le coin entre mes lèvres pour l'allumer. Sachant que ma soeur s'en vient, j'opte pour quelque chose de plus doux, même s'il y a bien un sachet de poudre blanche qui me fait de l'oeil sur la table. Mais non, pour le peu de fois que je peux la voir, je vais essayer d'avoir toute ma tête, relativement. J'en tire donc une première bouffée alors que j'entends frapper à la porte. Entre, c'est déverrouillée. Dis-je assez fort pour qu'elle m'entende. J'ai aucunement envie de me lever pour lui ouvrir la porte. Je suis trop bien dans le confort du canapé pour ça.

Je l'entend rentrer, la voyant du coin de l'oeil lorsqu'elle arrive dans la pièce, mais je ne la regarde pas. Je n'arrive pas à lui faire face, comme je n'arrive pas à faire face à la réalité. C'est beaucoup trop dur. Je pousse un autre soupir en la sentant m'attirer et je me laisse aller contre elle, venant me blottir dans ses bras. Je ferme les yeux en sentant les larmes déjà s'évader sur mes joues. J'en ai marre d'être comme ça, de ne pas être capable de prendre les choses une à la fois, calmement. Je n'arrive pas à gérer quoi que ce soit et ça en décourageant. J'en ai marre Bea... Ça fait trop mal, c'est insupportable.. Je sais plus quoi faire.. La gorge nouée, même parler est bien trop difficile. Mais je sais que ça doit sortir, garder tout à l'intérieur va simplement me détruire plus rapidement. Je tire une dernière fois sur le joint puis m'étire pour venir le déposer dans le cendrier, après l'avoir éteint, et je reprend place contre elle. Je me permets de prendre sa main pour la serrer entre les miennes, celles-ci tremblant légèrement. J'avais quelque chose de beau, de bon... Un fiancé qui me faisait sentir bien, mais, sans surprise, j'ai ruiné tout ça.. Et j'ai été m'enfoncer plus profondément. Je crois bien que c'est le plus bas que j'ai atteint d'ailleurs. C'est vraiment de pire en pire.. Je fais n'importe quoi et j'me mets dans des merdes pas possibles.. Et ça, c'est moindre qu'on puisse dire.

Je suis tellement épuisé, tanné de tout ça. Encore aujourd'hui, j'ai envie d'en finir avec tout ça, arrêter de souffrir. Il y a à peine quelques minutes, j'en étais déjà proche et c'est rendu à un stade où j'en ai pas nécessairement conscience sur le coup. Elle dit qu'elle aimerait prendre ma souffrance, mais je ne voudrais pas qu'elle ait à subir ça. Ça rend la vie tellement plus compliqué, pénible et insupportable. Personne ne devrait avoir à endurer ce genre d'émotions. Cela dit, je ne commente simplement pas à ses paroles. Je n'ai pas l'énergie de m'obstiner là-dessus.

Un frisson me traverse au passage de sa main dans mes cheveux et je me replace donc un peu mieux contre elle. Je mord légèrement ma lèvre inférieure en redressant la tête sous son geste. Je la regarde alors, bien que la voyant plutôt flou autravers les larmes. Juste moi... Je suis amplement capable de ruiner ma vie moi-même sans l'aide de personne. Je baisse les yeux, semblant incapable de supporter son regard sur moi. Je hausse les épaules avant de les laisser s'affaisser, réfléchissant à sa question et ses paroles. Je suis simplement réaliste... J'ai fait le con en agissant sous la colère.. J'avais besoin de me changer les idées après avoir parler avec Pai et je suis allé dans un bar. J'ai croisé ce Kosmo qui m'a tout de suite attiré et une chose en entraînant une autre... J'ai trompé Dion avec lui.. Ça a été la chose de trop, la chose qu'il ne peut pas me pardonner...

Alors que je pense réussir à reprendre le dessus sur les larmes et mes émotions, j'entend ses paroles qui ne font qu'intensifier le tout. L'amour, j'avais réussi à m'en passer pendant trois ans, j'aurais aimé ne pas retrouver cet homme et ainsi, ne pas retrouver la foi en ce sentiment. J'étais si bien sans, à vivre ma vie comme un connard qui se joue des sentiments des autres comme on me l'a fait par le passé. C'est mal, certe, mais pour moi, c'était bien mieux que de vivre ce que je vis en ce moment. Assez pour vouloir me marié pour me sortir de la merde avec pai... Alors que pour lui, le mariage est quelque chose d'important, quelque chose à ne pas prendre à la légère... Mais je sais pas s'il pourra me pardonner... Même s'il peut, j'aurai clairement plus sa confiance.. Et c'est ce qui fait le plus mal.. Je sais que je ne peux en vouloir qu'à moi-même, que si j'avais pris la peine de réfléchir, penser à ce qu'il y avait en jeu avant d'agir. Mais comme d'habitude, j'ai laisser mon impulsivité avoir le dessus sur moi et j'ai fait la pire connerie que je pouvais. Je suis tellement bon à rien... Je ne fais que toujours tout gâcher, sans exception.. Je sais même pas pourquoi Adao et toi perdez votre temps avec moi pour être honnête... Je continue de me dire que vous seriez bien mieux sans moi, en paix, sans avoir à gérer le fardeau que je suis.. Je ne comprend toujours pas pourquoi ils s'acharnent à m'aider quand on sait tous que ça ne donne rien, que j'avance pour simplement mieux reculer. À ce stade, je crois qu'ils devraient passer à autre chose et avancer sans moi.

Je ne commente pas sur sa réponse concernant le pardon. Il suffisait de voir le regard de Dion, sa réaction, pour savoir que c'était mort. Je continue de me dire que je ferais mieux de rester célibataire. Je ne mérite pas cette vie de couple bien heureuse. De toute façon, je viendrais à nouveau ruiner tout ça. C'est mon grand talent, détruire le peu de belles choses que je peux avoir dans ma vie. Je sais que je ne m'aide pas, au fond de moi, je sais que je ne fais qu'empirer les symptômes de mon trouble, mais c'est comme un cercle vicieux. Rien ne va, alors je me laisse aller dans l'alcool et la drogue, ce qui empire mon cas, qui rend le tout encore plus insupportable et ça recommence. Mais malgré tout ça, je ne suis pas foutu de me laisser aider, et de m'aider moi-même.

J'entend son ton de voix qui se veut plus léger, mais même ça, ça n'arrive pas à m'atteindre. Je la regarde un instant, mais baisse rapidement le regard sur mes mains, ne serait-ce que pour ne pas la regarder directement. C'est perdu, errant dans les limbes que j'vais finir... Je l'écoute parler, dire qu'elle ne nous lâchera jamais, alors que j'ai déjà l'impression, depuis un moment, qu'elle m'abandonne petit à petit. Et puis me dire que je suis dans une mauvaise passe... Une mauvaise passe éternelle... Et ce n'est pas à cause d'un mec... C'est à cause de moi-même... Je suis mon propre Némésis..