En haut de ses marches, si près de lui et pourtant si loin...A pousser le bouchon un peu trop loin, insistant pour qu'il me parle, pour savoir, pour résoudre mes propres doutes et angoisses, faire taire cette voix au fond de moi qui m'assure la véracité des propos de cette femme que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam... Et Lee qui fuit toujours les mots, mais encore plus là, alors que la fatigue doit s'abattre sur lui. Pourtant je ne lui accorde pas de répit, continuant mes interrogations. Qui mène à la vérité…

Sa tête qui bascule et mon coeur qui lui se penche au dessus du précipice : elle disait la vérité… Le silence de l’homme que j’aime, la sensation que tout m’échappe, je me suis trompée sur lui… Il était de ses hommes qui violentaient leur femme… Sous la colère, ou l’alcool,…Non je ne veux pas le croire, il n’est pas comme ça. Et je dois lui laisser le temps de s’expliquer, même si son regard est si noir.
Un frisson me parcourt, là tout de suite, alors qu’il n’est plus celui qui m’avait fait tournoyer sur le parquet, dans son regard, dans ses mots… J’ai peur un instant, je la sens s’insinuer dans mes muscles, me figer en haut de l’escalier… peur de lui, mais surtout peur de mes réactions, de nos gestes qui pourraient nous conduire à tellement de choses…

Silencieuse, sur le palier, devant l’escalier, je me tiens à la rambarde, mais ne lâche pas des yeux cet homme qui semble m’affronter autant que ses tourments. Les mots sont des gifles prononcés de la sorte, mais c’est aussi son histoire, ce que je voulais savoir de lui. Son ton monte, mon coeur va lâcher, les larmes dévalent en silence mes joues face à tant de violences de sa part, juste sur le donc et les mots, il n’avait jamais été si virulent… Si franc, si … froid, loin, si peu Honey…

Il s’approche, et je ne bouge pas, je n’amorce aucun mouvement, je reste statique, écoutant ses mots…Dealeur. Voilà son métier, ses clients étaient donc des camés qui venaient acheter leur dose, sa famille n’était pas de celle qui devait être aimante, il avait eu la vie difficile, des erreurs, laisser à l’abandon,… Son passé était loin d’être rose, mais il faisait parti de lui, et là, il nous explosait à la figure.

Lorsqu’il se tait, je ne réponds rien, séchant juste les larmes qui dévalent encore. Ce qu’il venait de dire, je pouvais l’accepter parce que du haut de son jeune âge, il avait du se battre avec les moyens qu’il avait pour s’en sortir et que … Je l’aimais malgré les risques qu’il prenait ... Evidemment ma famille aurait surement du mal avec ça, mais ils n’étaient pas obligés de savoir.

Quand ses yeux se ferment, le lien entre nous s’effiloche, je le sens se délier doucement, et mon cerveau me crie de rattraper cette ligne rouge à laquelle je tiens plus que tout, ce lien entre nous… « Oui… Je l’ai frappée. » Mais elle est trop loin, ma main se serre dans le vide, la ligne brisée n’est plus accessible… Lee raconte alors ce que cette femme m’a confié plutôt, au restaurant… Il l’a frappé… « Tu… tu… as failli la … la tuer ? » je secoue la tête négativement, tout s’embrouille . « Non.. Non tu n’as pas pu faire ça… C’est impossible, Honey, tu.. tu n’es pas comme ça, c’est impossible… » Dis le moi, Lee confirme moi que tout ça c’est un cauchemar, que je vais me réveiller…Rattrape moi, raccroche le fil.. « Lee… » Murmure qui m’échappe si bas.. « Tu…. C’est…. » Non… Je ne veux pas y croire. Maintenant que ses mots sont dit, je me rends compte que j'aurais préféré que tout ne soit pas vrai. Que rien de tout ça ne soit réel.

Si on ne m'avait pas retrouver dans un orphelinat, si Les Zaïmis ne m'avaient pas adopté qui sait ce qu'aurait été ma vie, je ne pouvais pas le juger pour ça, et je n'en avais pas envie, loin de là. La cuillère en argent, dans ma bouche ne m'avait pas retirer mon coeur, et j'étais touchée par ses mots, il avait dû souffrir énormément, et pourtant il était là, il avait un toit, des valeurs enfin... Celles qu'il m'avait évoquées, mais si tout ça n'était qu'un mensonge, et si mon amour pour lui n'avait été au final que des miettes de vérités entourées d'un joli glaçage de mensonges ...

Impossible, je l'aimais, je ne pouvais pas m'être autant trompé, je n'étais pas si... Si j'étais naïve et là encore alors qu'il hoche la tête confirmant qu'il avait presque tué cette femme...Je me rends compte que j'ai failli ne pas la croire elle, alors qu'elle était la victime de tout ça. Je reste un instant silencieuse, avant de sécher mes larmes. Il tente de se justifier, mais rien ne justifie la violence, pas celle là en tout cas. Pas quand je vois des tas de femmes arriver lors de mes stages aux urgences dans des états de paniques et qui.. Qui ont peur... De l'homme qu'elles aiment.

Je sens son corps s'approcher, je me tends, je n'ai pas peur de lui? Je n'aurais pas dû avoir ce mouvement de recul, mais quand il fait ce second pas. "Non... Lee je..." Mais ma phrase ne se terminera jamais, je n'ai pas pensé. J'ai oublié où je me trouvais, après toutes les révélations, mon esprit est embrumé, et cette marche que je loupe est ce qui me sert de rappel. Mon pied dérape, mon corps part en arrière et la chute est inévitable, même si j'essaie de me rattraper au final mon bras ne protègera même pas ma tête, qui cogne pour les marches alors que mon corps se retrouve en bas, après les avoir descendu comme une poupée de chiffon...La douleur et si forte que mon cri silencieux n'est que dans ma tête, car mon souffle est coupé, et dans un automatisme parfait mon corps se protège lui même autant physiquement face à la douleur que moralement, après cette dispute que je savais inévitable, me faisant sombrer dans une inconscience totale...