Ci-git...

Il a horreur de lire les "ci-git"... Ca n'annonce jamais rien de bon. Mais souvent, comme à son habitude depuis deux ans, il passe la porte du cimetière. C'est fou comme d'un côté du mur, il y a la vie, les klaxons, les oiseaux, les bruits de la ville, les gens qui marchent, le tout dans une cacophonie discrête ou trop fortes, mais agréable... vivante... Mais de l'autre côté de ce même mur, alors que le mur n'a rien de spécial, les bruits sont ténus, diminués ou peut-être amplifiés, il ne saurait exactement dire comment. On entend les gens qui marchent dans le gravier et c'est bruyant, on entend les oiseaux, on entend les klaxons, mais ça n'a rien à voir. C'est pas discret et c'est discret à la fois... Enfin, c'est pas fort, mais il n'y a tellement pas de bruit, qu'on l'entend de loin, oui, voilà, c'est plutôt ça l'explication.

Luca allonge le pas, il veut en finir rapidement. Ce n'est pas une corvée, mais il n'aime pas trop trainer par ici. Lui qui cherche à donner du plaisir, voilà qu'il vient de mettre le pied dans le seul lieu où c'est tout bonnement impossible. Rose blanche dans une main, il contourne quelques stèles pour se positionner devant une pierre de marbre. Son menton tremble tout à coup, comme à chaque fois. Mais il garde la machoire close et serrée. Doucement, il s'accroupit et dépose la rose sur la dalle. Un soupire, une courte prière silencieuse et il se redresse. Il reste là à contempler la stèle quelques instants. C'est là qu'il se rend compte que le pot de fleurs qui orne la tombe, manque cruellement d'eau. Il cherche du regard où il pourrait le remplir. Bon sang, c'est tout là-bas, alors il emporte le pot et se dirige vers le robinet.

Il vire les feuilles mortes, les quelques fleurs qui sont fânées et remplit le vase de marbre également. Il en profite pour prendre une brossette, car il a bien remarqué qu'il y avait un peu de poussière et de lichen qui commençaient à envahir la tombe. En remontant vers la stèle, il voit une figure féminine non loin de là. Il n'y prête pas attention pour l'heure, car il est plutôt occupé à ne pas fouttre de l'eau partout sur ses vêtements. Mais plus il s'avance, plus il s'aperçoit que cette même figure féminine se tient non loin de la tombe de son père. Dans la même rangée, et même... même devant la tombe ? Luca fronce un peu les sourcils. Qui donc v... Nina ? Cela fait des mois qu'il ne l'a pas vu, mais il reconnaitrait sa soeur n'importe où ! Il presse le pas.

- Nin' ! Oui, Luca a réussi à racourcir un prénom qui est déjà bien court. Sorella, tiens-moi ça. Il lui tend le pot, fait comme si de rien était. Après tout, c'est sa soeur, même si elle a disparu pendant des années, jamais il ne lui en voudra. Et puis, ce qui compte, c'est qu'elle soit revenue, c'est tout ce qui lui importe. Il frotte la dalle avec la brossette, de nouveau accroupi. Comment ça va ?

Ci-git...

Le regret de ne pas être revenue plus tôt et surtout de ne pas leur avoir rendue visite plus souvent, voilà ce qui me ronge depuis le départ de mon père. Il était mon héros, l’homme de ma vie, celui qui m’a appris à être forte même si je suis une femme, il a toujours voulu que je sois indépendante et c’est ce que j’ai fait, peut être un peu trop d’ailleurs… J’avais tellement peur de les décevoir, peur du rejet que j’ai préféré m’enfuir de mon propre chef, assumant seule ma grossesse. J’aurais pu revenir plus tôt, sans leur dire la vérité, juste revenir auprès de mes proches mais ma fierté me forcer à rester loin. J’avais honte de leur avoir caché la vérité, honte d’avoir du abandonner mon enfant à cause de mes choix. Mais je craignais aussi mon ex petit ami, peur qu’il me retrouve et me fasse du mal à moi ou à ma famille. En fuyant, j’ai aussi empêché cet homme de me nuire davantage, surtout s’il avait appris pour ma grossesse. Enfin, je ne peux pas revenir en arrière, il est désormais trop tard…

C’est le décès de mon père qui m’a fais revenir, malheureusement, il a fallu un évènement tragique pour que je comprenne que ma vie était auprès de ma famille et non à des centaines de kilomètres de là. Désormais, je viens me réfugier devant la tombe de mon père quand je n’ai pas le moral, tenant de rattraper le temps perdu, je sais c’est absurde, mais s’il y a une infime possibilité qu’il m’entende alors je la saisi.

Comme vous l’aurez compris, aujourd’hui est un jour sans, j’ai besoin de parler. J’arrive au cimetière, ne me souciant pas des personnes présentes ou non, je me dirige machinalement vers la tombe de mon paternel. Je connais le chemin par cœur désormais, j’avance solennellement vers mon père. J’ai toujours un sentiment étrange dans cet endroit, je me sens à la fois bien parce que je viens discuter avec mon père mais aussi oppressé par l’ensemble des autres stèles qui nous entoure. Et puis cela me rappelle inévitablement, que je ne reverrais plus l’homme qui m’a tout apprit sur la vie. J’arrive devant la tombe et souris instantanément.

« Bonjour papa, c’est moi Nina. » Je baisse les yeux et aperçoit la rose blanche déposé sur le marbre. « Je vois que tu as eu de la visite, je suis désole je suis venue les mains vides. Promis, la prochaine fois, je te ramène un bouquet. »

J’eus à peine le temps de finir ma phrase que je fus interpellé par une voix familière et surtout par le surnom qu’elle prononce. Je me retourne et j’aperçois Luca, mon petit frère. Un sourire se dessine à nouveau sur mon visage contente de le voir. Ma relation avec ma fratrie est un peu compliquée, beaucoup m’en veule d’avoir quitter la ville du jour au lendemain. Luca quand à lui, m’a accueilli comme si de rien n’étais et je lui en suis reconnaissante. Je n’eus pas le temps de dire mot, que mon frangin me tend un pot que je saisi de peur de le faire tomber. Je l’observe se baisser pour nettoyer la tombe avec une petite brosse. « On fait aller même si venir ici n’est pas toujours évident … » Je marqua une pause quelques secondes prises par mes pensées. « Et toi comment tu vas petit frère ? »

Ci-git...

Il a déjà recroisé sa sœur depuis son retour à NYC. Mais est-ce qu’ils se sont vraiment reparlé ? Et par « reparler », il veut dire, entre quatre yeux et discuter de tout et de rien, comme avant. Avant avant. Avant que leur père ne meurt, avant qu’elle ne parte pour dieu-seul-sait-où. Non, ils n’ont jamais reparlé. Alors, Luca, pour ne pas être « déçu », pour que cela ne se voit pas, il fait comme s’ils se parlaient tous les jours, comme si, se croiser là n’était pas incongru. Après tout, ils sont en famille, non ? La fille, le père et le fils. L’un des fils.

- Je pense qu’il te faudra plus que un bouquet si tu veux qu’il te pardonne… En même temps, un sourire et il te pardonnait tout… Mais bon, c’est pas trop le lieu pour sourire, hein…

Luca sourit, un peu. Faut dire, que dans un cimetière, en effet, ce n’est pas trop l’endroit où on a envie de sourire. Mais bon, il est tellement content de voir sa sœur. Alors que cela soit dans un cimetière ou ailleurs, il s’en fout un peu.

- Ma’ passe un peu, de temps en temps, mais elle pleure à chaque fois. J’ai plus de temps qu’elle, et j’arrive à ne pas pleurer alors je viens pour elle. L’italien redresse un peu la tête, alors qu’il enlève un peu de lichen. Bah écoute ça va. Tous mes appartements sont loués, ça paie bien, j’ai pas de gros problème dedans et j’ai racheté tout récemment un commerce. Enfin… « racheté » c’est peut-être pas le bon mot. Le batiment avait été incendié et j’ai racheté les ruines pour en faire un nouveau commerce. Presque tout fier, redressant le menton, il ajoute, les étoiles brillant dans son regard. C’est un sex-shop de luxe. Je venais là pour l’annoncer à Pa’.

Voilà, il a fini de nettoyer la stèle, il récupère le pot des mains de Nina et le pose sur la dalle, il y ajoute la rose blanche qu’il a apporté tout à l’heure. Voilà, c’est mieux comme ça. Il se redresse, se positionne juste à côté de sa sœur, glisse sa main dans la sienne, car il sent que le menton tremble de nouveau. Il a besoin de la force de sa sœur, et aussi parce qu’elle lui a manqué terriblement. Il a beau être adulte depuis plusieurs années, être responsable, mâture et tout ce que vous voulez, auprès de Nina il a toujours l’impression d’être le petit garçon qu’elle maternait. Quelques fois, il a envie d’être encore ce petit garçon, juste avant qu’elle ne parte. Sortant de ses pensées, peut-être pour éviter de pleurer justement, il ajoute, sans introduction.

- Tu savais que j’étais hédoniste ? C’est pour ça que je me suis dit qu’un sex-shop, ça pouvait être pas mal.

Ci-git...

Mon départ a amené un vrai bouleversement dans ma famille, je suis consciente qu’en prenant cette décision, j’ai blessé mes proches mais à l’époque ma fierté et la peur était trop grande et je n’avais pas vu d’autre solution que de fuir New York. Aujourd’hui, je ne peux qu’assumer mes choix et essayer de réparer ce qui peut être encore sauvé. Luca ne m’a jamais envoyé baladé comme ont pu le faire ma sœur et un de nos frères et je l’en remercie toutefois, je ne peux pas dire qu’il a du ressentis face à tous ça. Je m’excuse auprès de mon père d’être venue les mains vide quand sa voix résonne dans mon dos. Je me retourne et lui sourit tendrement.

« Je crois que justement il aimerait nous voir sourire, il aimerait qu’on profite de la vie pour lui… »

Je disais ça mais je n’avais pas revue mon père depuis plusieurs mois avant sa mort, j’étais mal placé pour parler mais les souvenirs que j’avais de lui, ce que je connaissais de lui me disais qu’il voudrait qu’on vive à fond notre vie sans se soucier des autres, que nous soyons heureux que rien d’autres ne compte.

Lorsque mon petit frère évoque ma maman, mon cœur se serre, elle est ma faiblesse, celle avec qui j’ai le plus honte d’essayer de renouer. Nous y allons petit à petit toutes les deux, c’est compliqué, ont finis toujours par se disputer parce qu’elle veut savoir pourquoi je suis partit si longtemps. Je n’ai pas la force de lui dire la vérité, pas encore…

« Tu es un homme bien Luca tu le sais, merci de faire ça pour elle. » Je suis fière de mon frère, il prend soin de notre mère. C’est ce qu’il me manque dans notre fratrie, nous nous protégions les uns les autres, ma famille ma manque, nos chamailleries me manquent. « Ton chemin est tout tracé à ce que je vois, c’est bien, papa serait fier de toi. » J’esquisse un regard amusé quand il m’annonce que son commerce est un sex shop.

Je le regarde finir de nettoyer la stèle pendant que je me pers dans mes pensées. Je suis contente pour Luca, il se débrouille bien dans la vie, il a une bonne situation, il ne manque de rien. J’étais comme une deuxième maman pour mes frères et sœurs et j’avoue qu’en revenant en ville, je reprends instantanément ce rôle, c’est plus fort que moi. Je veille de loin que chacun d’eux va bien.
Une main se glisse dans la mienne et je reviens à la réalité. Je la serre instinctivement, initiant une caresse sur la main de Luca pour le rassurer. Nous restons la quelques instants profitant de cette tendresse tous les deux, nous replongeant dans le passé.

« Non je ne savais pas Luca mais oui c’est une bonne idée, un peu tiré par les cheveux mais en réfléchissant c’est très logique. »

Je ne suis pas quelqu’un de fermé au contraire je prône le plaisir, la liberté sexuelle donc cela ne me choque absolument pas. Ce que je souhaite c’est que mon frère soit heureux et je le soutiendrais toujours.

« Si tu as besoin d’aide appelle moi… »

Je lançais une bouteille à la mer, cela faisait 3 ans que j’étais de retour mais entre mon boulot et mes craintes ma relation avec ma famille n’avais pas trop évolué. Désormais, il est temps d’agir.

Ci-git...

C'est fou à quel point il se sent tellement jeune face à elle. Il a l'impression d'être à ses yeux qu'un simple gamin et il la voit comme une maitresse d'école. Pourtant ils sont simplement frère et soeur. Mais elle a cette aura de grande soeur qui la rend plus... mature, sûre, maternelle. Alors quand elle lui dit qu'il est un "homme bien", il sent une petite fierté grimper en lui. Il n'espérait pas tant, mais il est vraiment content que Nina s'en rende compte, qu'elle le lui dise. En plus elle ajoute que leur père serait fier de lui. Luca ne sait pas trop si le fait de posséder un "sex-shop" serait dans les gouts de leur père, mais cela lui fait chaud au coeur que sa grande soeur lui dise cela. Oui, c'est vrai qu'il a toujours fait ce qu'il avait envie de faire. Il a travaillé dur pour y arriver. Il a sacrifié beaucoup de chose. Il a eu une bonne enfance et une bonne adolescence, rempli de joie, mais surtout, il a bossé dès son plus jeune âge et a économisé le moindre cent. Oui, Luca est fier de son propre parcours et c'est vrai que leur père lui avait dit une fois qu'il était fier, peu avant qu'il ne meurt, mais là, l'entendre de la bouche de Nina, c'est encore plus beau.

Voilà, la stèle est propre et il se redresse pour venir attraper la main de sa grande-soeur. Parce qu'il a besoin de sa chaleur, de retrouver sa grande soeur. Ca a toujours été ça en réalité. Et il pense que même vieux et grabataire, il tiendra la main de sa soeur parce qu'elle est plus âgé et lui plus jeune. Parce qu'elle est sa soeur tout simplement. Oui, elle ne savait pas, c'est normal, c'est arrivé il y a quelques années, peu de temps après avoir découvert sa sexualité, son attirance pour les deux genres. Il sourit. Il aimerait bien poser la tête sur son épaule, comme il le faisait avant, mais il est bien plus grand maintenant.

- Tu verrais le regard des gens... Quand ils entrent, ils sont un peu... gênés et timides, mais après, quand ils s'en vont, ils sont tellement contents. Je trouve ça juste tellement... génial... Et puis elle lui indique que s'il a besoin d'aide, il ne faut pas hésiter à l'appeler. Il rit doucement. Cette fois, grande soeur, on va faire l'inverse. Si tu as besoin d'aide, c'est moi que tu vas appeler. Aussi bien financièrement que pour n'importe quoi d'autre. Tu dois me le promettre. C'est à moi de t'aider, de te protéger.

Oh, elle restera à jamais sa deuxième maman, et c'est pour ça que c'est à son tour de prendre soin d'elle, de l'aider. Tout comme il aide déjà leur maman, il veut aider sa soeur, il veut aider Nina. Les autres frangins ne lui parlent plus et il est hors de question pour Luca de lacher sa plus grande soeur. Il vient embrasser le front de sa soeur, pour la prendre dans les bras et la serrer doucement contre lui.

- Est-ce que tu veux qu'on aille manger quelque chose ? C'est moi qui invite.

Ci-git...

Le rôle de deuxième maman est celui qui m’a toujours été incombé depuis ma plus tendre enfance, étant la première de la famille, j’ai vite du aider ma mère à s’occuper de ma fratrie. Je n’étais pas l’enfant la plus calme toujours prête à faire des bêtises et à profiter de la vie mais étonnement cette liberté s’appliquer qu’à moi, comme un deal passé avec ma mère : « Ok tu fais ce que tu veux mais tu m’aides tes frères et sœurs à rester dans le droit chemin. » Et c’est ce que j’ai fait, veiller sur eux à l’école, surveiller leur fréquentation, bon j’ai aussi couvert quelques bêtises mais rien de grave. J’étais leur confidente, celle à qui on venait parler avant de dévoiler des vérités aux parents. Je ne me suis jamais plaint de cette responsabilité au contraire, c’était comme une évidence pour moi. Je crois que c’est ce qu’il m’a le plus manqué quand j’ai quitté la ville, ce lien avec mes frères et sœurs que ce soit nos plus gros fou rires ou nos plus grosses enguelades. Aujourd’hui plus rien n’est pareil, cet équilibre a volé en éclat quand je les ai abandonnés, j’espère juste que le temps saura réparer les choses.

Luca a toujours été de mon côté et il me le prouve encore en ce moment. Je sais qu’il a été blessé mais il ne me le reproche pas. Je suis fière de l’homme qu’il est devenu, il a travaillé dur pour ouvrir son business sans l’aide de personne, certes ce n’est pas commun comme commerce mais tant que ça marche et qu’il est heureux je m’en contrefiche, je trouve ça drôle et osé de sa part.

« Je pense venir très prochainement découvrir cet endroit, ça doit être très amusant. Et puis je ne dirais pas non à deux, trois accessoires supplémentaires. » Fis-je avec un regard coquin avant d’exploser de rire face à la tête de mon petit frère.

Les mots de mon petit frère sont réconfortants et touchants, il veut me protéger à son tour, c’est tellement mignon. J’avoue m’être toujours débrouiller toute seule et je pense m’en être pas mal sortit mais c’est toujours bon de savoir que l’on peut compter sur sa famille. Tenant sa mai, dans la mienne, je n’hésite pas à décrire des petits cercles sur sa peau comme je le faisais quand il était enfant pour le rassurer. « Oui je te le promets Luca, si j’ai besoin je t’appelle. » Je tourne ma tête et dépose un baiser sur sa joue. « Tu es devenu un homme, un vrai, je suis désolé d’avoir manqué ça. »

Je savoure le baiser sur mon front et l’étreinte qu’il me donne. Je suis tellement bien, je me sens en sécurité, à la maison. Le petit garçon qu’il me quémander des histoires d’aventures a bien grandit. Il me relâche et me propose d’aller déjeuner.

« Avec plaisir, tu sais où j’aimerais aller ? Je ne sais pas s’il existe encore mais le petit diner où on allait le dimanche avec papa et maman. »

HJ:

Ci-git...

« Je pense venir très prochainement découvrir cet endroit, ça doit être très amusant. Et puis je ne dirais pas non à deux, trois accessoires supplémentaires. »

Luca tourne brusquement la tête, les yeux ronds comme des soucoupes volantes dont la circonférence serait trois fois supérieur à tout un derrière d'éléphant. Elle... Elle va pas faire ça ! Il aime faire plaisir aux gens, mais... Pas à sa soeur quand même ! Mais heureusement deux secondes plus tard, voilà qu'elle explose de rire. D'abord, le jeune homme est soulagé. Il soupire, il vient d'avoir une sueur froide. Et puis il sourit, la poussant doucement à l'épaule.

- T'as pas le droit ! Tu m'as fait peur !

Ils restent encore un moment devant la tombe de leur père. Il était parti bien trop tôt. D'une certaine manière, il s'en voulait de n'avoir rien pu faire. Ils ne s'étaient pas éloigné, l'un de l'autre, mais avec le temps, il avait beaucoup travaillé et il ne voyait plus ses parents aussi souvent qu'il l'avait voulu. Il avait toujours fait son maximum pour mettre ses parents à l'abri du besoin financier. Mais il ne pouvait pas tout porter sur ses épaules. Et puis leur père restait le bon vieux flic qui pense n'avoir jamais besoin d'aide, alors que quelques mois avant de mourir, il... Enfin bon. C'était fait et il ne pouvait rien y faire. Deux ans, ça passait vite toute fois... Et puis, il y avait eu le retour de Nina. Et ça, même s'il ne souhaitait pas la mort de son père, cela lui avait fait du bien. Il sourit sous le baiser de sa grande soeur et c'est à lui de la prendre dans ses bras. Il est devenu tellement plus grand qu'elle, pourtant, il reste son petit frère et ça le fait sourire encore plus.

- Bien sur que ça existe encore. Y'aurait une appocalypse, il serait toujours debout et ouvert avec des bons burgers comme ils savent les faire. Viens...

Avant de quitter la tombe de leur père, Luca vérifie que la stèle est bien propre, que la fleur a de l'eau. Il fait un petit signe de la main avant d'envoyer un baiser et il entraine Nina dans la petite allée gravillonnée. Depuis qu'elle est revenue, ils se sont vus rapidement plusieurs fois, mais à chaque fois, ils n'avaient pas eu le temps de s'arrêter et de discuter. Tenant fermement la main de sa soeur, de peur qu'elle ne s'enfuit, disparaisse ou bien même que cela soit lui qui prenne la poudre d'escampette, il n'est pas prêt de la lacher. Et puis, si elle veut déjeuner, ils vont passer un peu plus de temps ensemble.

- J'te préviens, j'vais te poser plein de questions, j'veux tout savoir. On a pas pris le temps de discuter alors, maintenant, je ne vais plus te lacher, grande soeur. Et je ne te laisse pas le choix, je veux tout savoir.

Ci-git...

Nous disons au revoir à notre père et nous quittons le cimetière main dans la main, ce geste si inoffensif, me renvois des années en arrière quand j’amenais Luca à ses activités ou retrouver ses copains au terrain de jeu au coin de la rue. En ce temps-là, tout était plus simple, tout n’était qu’amour et bonheur, nous étions une famille unie, ce temps-là me manque tellement. Je crois qu’il n’y a pas pire que la nostalgie, elle vous ramène à ces moments de purs joies, ces moments où tout est parfait, où vous vous sentez à votre place auprès des gens que vous aimez.

Je suis contente de passer ce moment avec Luca, il faut dire que depuis mon retour, c’est la première fois que nous nous retrouvons réellement lui et moi pour discuter. Les fois précédentes tous ne concernait que l’enterrement de notre père, où l’aide que nous devions apporter à notre mère où encore la querelle que j’entretiens avec le reste de ma fratrie. Non-aujourd’hui est un jour tout autre, un jour, où Luca et moi, nous portons un réel intérêt à la vie de l’autre, où nous agissons réellement en tant que frère et sœur.

Nous prenions naturellement la direction de ce fameux diner, ce lieu où nous avions tant de fois mangé en famille. Luca me dit alors qu’il veut tout savoir de moi, je lui souris tendrement. Je m’écouterais, je pleurerais comme une madeleine de l’entendre dire ses mots, mais je me retiens gardant la face. C’est fou comme j’ai pu devenir un vrai cœur tendre au fil des ans.

« Pose-moi autant de question que tu veux petit frère, je ne te cacherais plus rien désormais, tu peux lire en moi comme dans un livre ouvert. »

Je lui souris, oui, il était temps de tout avouer, de lui conter la vérité sur l’ensemble de ma vie. D’enfin libéré le poids de la culpabilité et surtout des blessures les plus profondes que j’ai trop souvent gardé.

« Mais à la condition que tu me racontes tout toi aussi. »

Il n'y a pas de raison qu'il n'y est que moi qui me confie et puis, je veux qu'il me dise ce qu'il a sur le cœur, sa colère, ses reproches envers moi, je veux qu'il s'en libère lui aussi. Il est resté que trop silencieux pendant mes diverses disputes avec le reste de la famille lors de mon retour.

Ci-git...

Luca aime cette main qu’il serre doucement. Avant, c’était la main de Nina qui couvrait celle de son frère. Cette main de femme, tout du moins, c’était ce qu’il pensait à cette époque. Aujourd’hui, c’est sa propre main qui recouvre celle de sa sœur. Mais pourtant, il y a dans cette empoignade la douceur de la grande-sœur protectrice. Celle qui guérit les bobos, celle qui sèche les larmes, celle qui calme les cœurs. Il aimerait pouvoir rendre la pareil. Etre le pilier sur lequel elle puisse s’appuyer, pour une fois, il veut que cela soit son tour.

Ensemble, ils marchent vers la sortie du cimetière. D’abord en silence parce que c’est un lieu de repos pour les décédés. Mais une fois sur le trottoir, le cœur plus léger, ils peuvent se remettre à parler. Nina assure alors que Luca peut poser toutes les questions qu’il veut. Luca se mord la lèvre inférieure. Il a tellement de questions. Mais il a tellement peur des réponses en vérité.

- Pourquoi t’es partie ? C’est sa première question. C’est probablement la seule dont il craint la réponse. Il y en a aussi une autre qu’il pose aussitôt. Pourquoi t’es revenue ?

Ci-git...

TW: violences conjugales, abandon d'enfant

Le temps des réponses était venu, le temps de délivrer ma vérité venait enfin. Je dois mettre ma fierté de côté et relaté mon histoire, les peines qui m’ont détruite et éloigné un peu plus chaque jour de ma famille. D’un côté, je sais que cela me fera beaucoup de bien de tout lui dire, mais d’un côté, j’ai terriblement peur du jugement, peur qu’il pense que ce ne sont pas des raisons valables pour avoir envoyé notre famille. Est-ce vraiment ce que Luca va penser ou est-ce juste ma culpabilité qui me rattrape maintenant que tout va être révélé au grand jour. Mon sourire disparaît rapidement de mon visage, ce moment de tendresse avec mon frère, devient un grand moment de stress. J’ai les mains moites et une boule au ventre qui commence à apparaître.

« Pourquoi je suis partie… » Je prends quelques secondes pour mettre mes idées en ordre afin de lui répondre le plus clairement possible. « Tu te souviens de mon petit ami Eddy , celui que personne ne pouvait pifrer dans la famille. » Je marque une pause attendant que mon frère comprenne de qui je veux parler. « Bien, un soir que nous rentrions de soirée, il est devenu violent, il avait parfois des paroles assez grossières, mais c’était son tempérament, sauf que cette fois, c’est allé plus loin. » Je marquais à nouveau une pause laissant le temps à mon frère d’assimiler ce que je disais.

Je vois tout de suite qu’il comprend où je veux en venir, sa colère grimpant en flèche. Je vois qu’il veut me parler, mais je le coupe de suite. « Non, Luca, laisse moi finir parce que je ne suis pas sûre de pouvoir tout raconter sinon. » Mon frère ferme aussi la bouche me laissant continuer. « Donc, ce soir-là, il m’a levé la main dessus comme tu la compris. Il m’a poussé puis m’a donné un coup au ventre. Il s’en est tout de suite voulu, mais je ne lui ai pas laissé le temps d’avoir l’idée de recommencer. J’ai pris mes affaires et j’ai fui New York. » Je lève la tête pour retenir mes larmes face à l’émotion qui me monte. Je déteste passer de cette nuit-là et de ce qui a suivi ensuite.

« Mais ce n’est pas tout. » Ma voix commence à se tordre bien que je tente de garder mon calme. « Je ne suis pas partie seule de New York, j’étais enceinte et c’était uniquement pour protéger cet enfant que je suis partie à Boston. » Je ne voulais pas que mon ex me retrouve et ait un droit sur cet enfant, si tout le monde ignorait son existence, il n’aurait jamais pu reconnaître ce bébé. « Je ne voulais pas qu’il puisse avoir la garde et encore moins qu’il puisse avoir un droit légal sur cet enfant et puis je n’étais même pas sûre de ce que j’allais faire... » Et puis c’est alors que les larmes se mirent à couler sur mes joues.

« J’ai donc mener ma grossesse à terme, je pensais trouver un travail me permettant de garde le bébé, mais je ne gagnais pas assez d’argent pour pouvoir subvenir à ses besoins alors je l’ai fait adopter. Je voulais qu’elle ait la meilleure vie possible, qu’elle ne manque de rien. » J’avais lâché mes barrières, j’étais en larmes, plus bas que terre. « Je regrette tous les jours de ma vie d’avoir laissé ce bébé, j’aurais dû faire autrement, mais j’avais tellement peur de ne pas être à la hauteur et peur qu’il la retrouve. »