Manuela avait la tête pleine ce soir-là. Elle avait besoin de ce verre. De CES verres, en réalité, afin d’oublier ses derniers tourments. Après le bris de sa voiture survenu quelques semaines plus tôt, il avait fallu qu’elle tombe sur celui qui l’avait presque battu à mort. Quelles étaient les chances pour que son bourreau se présente avec sa nouvelle victime au restaurant de sa mère précisément un jour où elle travaillait pour lui rendre service? Et surtout, pourquoi avait-il fallu qu’elle essaie de sauver cette inconnue des griffes de ce pervers narcissique? Elle était incapable de se tenir tranquille, d’éviter les conflits, les situations hasardeuses … elle finissait toujours par se mettre en danger d’une manière ou d’une autre. Elle savait ce qui arriverait en dissimulant une cacahuète dans son assiette, mais c’était le seul moyen de lui parler à Elle. Manuela n’aurait jamais pu se le pardonner si elle n’avait rien fait. Elle devait aider son prochain peu importe ce qu’il lui en coûtait, elle était comme ça. Manuela l’avait mis en garde du mieux qu’elle le pouvait alors qu’il partait en ambulance sous leur regard empli d’effroi… mais Manuela n’était pas naïve. Elle savait bien qu’elle avait pris d’énormes risques. S’il survivait, ce qui était presque certain, il réussirait à la retrouver. Vu ce qu’il avait été capable de faire alors qu’ils formaient un couple, elle ne pouvait s’attendre qu’au pire maintenant.

Sans surprise, elle ne pouvait plus sortir seule désormais, au risque de tomber sur lui à nouveau, et avait donc appelé quelques amies en renfort pour lui changer les idées. Elles avaient bu, dansé et bu encore… Honnêtement, elle était définitivement dans un état d’ivresse. Mais elle n’avait pas l’intention de s'arrêter là et ses amies étaient tout aussi peu raisonnables. Elle s’était éloigné de la piste, laissant ses amies sur place pour rejoindre le bar et se commander un 5e, 6e… un autre verre, bref. L’alcool et les talons hauts lui donnaient une drôle de démarche et elle faisait un réel effort pour tenter de marcher en ligne droite, du moins, un pied devant l’autre, avec son nouveau verre à la main. Elle était absorbée par le liquide qui tanguait dangereusement dans son verre lorsqu’un homme sorti de nulle part la bouscula assez solidement pour la faire vaciller, lui faisant renverser tout son cocktail sur lui. Sa camisole noire décoltée et son jean moulant s'en sortir indemnes. Elle porta une main à sa bouche, visiblement surprise et désolée par la situation.

- Oups! Oh votre chemise, oh non…!

Elle releva les yeux, un bouton de chemise à la fois, jusqu’à croiser le regard de cet inconnu, qui en fait, ne l’était pas du tout.

- … Elio !? Sérieusement, c’est… c’est toi!?

Manuela tenait encore son verre vide à la main. Elle bouscula une personne qui passait tout près d’elle et, sans se soucier qu’il s’agisse d’un serveur ou pas, lui refila son verre et se retourna face à Elio. De ses deux mains, elle le bouscula en le frappant sur le haut de la poitrine et les épaules, le faisant reculer légèrement sous les impacts. Manuela faisait de la boxe, elle était musclée et avait de la force dans les bras : il était préférable de ne pas trop l’énerver. Elle se tenait aussi droite que possible devant lui même si elle bouillonnait de rage. Les quelques personnes autour d’eux qui avaient eu connaissance de la bousculade avaient leur regard fixé sur eux, formant tranquillement un cercle de curieux tout autour.  

- T’es encore en vie! Hey bravo! dit-elle en claquant ses mains ensemble énergiquement, question d’attirer toujours un peu plus l’attention sur eux. Alors quoi, ça t’amuse, c’est ça? Abandonner les gens qui t'aiment et disparaître sans donner de nouvelles…? T’es qu’un salaud, tu l’sais ça au moins?

Elle le regardait de bas en haut, les bras croisés, un retard de dégoût sur le visage. Elio avait été le premier véritable amour de Manuela à l’adolescence et d’une certaine façon, la manière dont il l’avait abandonnée, sans donner aucune nouvelle, avait affecté toutes les relations amoureuses qu’elle eut par la suite. Le revoir après tout ce temps était un véritable choc.