Manuela s'était levée à midi, mais c'était un peu normal vu l'heure à laquelle elle était rentrée, aux petites heures du matin. Elle avait travaillé très dur la veille pour fignoler les derniers préparatifs en vue de l'événement qui avait eu lieu hier soir. Un gala de charité comprenant un cocktail dînatoire pour lequel elle avait imaginé et réalisé un assortiment élégant et diversifié de petites bouchées et tapas pour environ 250 personnes. La soirée avait été tout simplement magique.

Manuela se faisait toujours un point d'honneur d'être présente sur les lieux de l'événement pour accompagner son équipe au service lors de soirées aussi importantes que celle-là. C'était un de ses premiers contrats, sa réputation restait encore à faire et il n'y avait aucune place à l'erreur. Heureusement qu’Ulysse, un très bon ami, avait parlé en bien des services qu'elle offrait autour de lui : c'était un peu grâce à lui qu'elle avait obtenu ce contrat qui pourrait bien être celui qui mettrait du vent dans les voiles de son succès.

En se levant aussi tardivement, elle était assurée d'avoir l'appartement pour elle toute seule. Son coloc avait un horaire très différent du sien et ne se croisait donc que très rarement. Elle sortit donc de sa chambre en ne portant qu'une petite culotte et le t-shirt XXL qui lui servait de pyjama ces derniers jours.

Il y avait une note sur le frigo : Dsl, j'ai fini le lait, je passe faire les courses en fin de journée. Bye! Bon, tant pis pour son craving de céréales alors… Il ne lui restait plus qu'à sauter dans la douche et à se mettre en route rapidement. En effet, elle avait promis à sa mère qu’elle irait lui donner un petit coup de main au restaurant en fin d'après-midi.

Manuela ne pourrait jamais refuser quoique ce soit à sa mamá parce qu'elle avait toujours été là pour elle, d'aussi loin qu'elle se souvienne et particulièrement au courant des deux dernières années. L'agression, la convalescence, la réhabilitation : sa mère ne l'avait jamais jugé ou critiqué pour ce qui s'était passé avec son ex, elle l'avait simplement écouté en la serrant dans ses bras et c'était précisément ce dont elle avait le plus besoin. Manuela s’était senti responsable et c'était encore un peu le cas aujourd'hui, malgré les années de thérapie.

Le restaurant de sa mère était tout petit, mais avec beaucoup de personnalité et une ambiance tout à fait cosy. Elle prévoyait donc s’habiller de manière décontractée : des bottes de combat et une mini jupe noire, un t-shirt blanc ainsi qu’une veste en jean pour compléter l’ensemble. Elle s’était légèrement maquillée et ses cheveux était simplement attaché en queue de cheval.

Elle était enfin prête. Elle ramassa son sac et attrapa une pomme qu’elle prévoyait manger une fois sur la route. Installé dans son véhicule, elle choisit une bonne playlist à faire jouer, monta le volume et démarra. C’était vraiment un vieux tacot, mais il tenait encore là route… jusqu’à ce jour. Tout juste avant de s’engager sur une artère principale, Manuela réalisa que quelque chose clochait, de toute évidence, puisque qu’il n’y avait plus aucune réaction lorsqu’elle pesait sur l’accélérateur. Elle était en train de tomber en panne et pourtant, le réservoir était rempli au trois quarts. Une autre voiture la suivait d’un peu trop proche et accrocha son part-choc arrière alors qu’elle s’arrêtait au beau lieu de la route. Heureusement, le choc ne fut pas assez brutal pour la blesser, mais tout de même, ça n’était pas pour améliorer l’état de son véhicule qui était en train de tomber en morceau.  Elle n’avait plus le choix, elle devait appeler une dépanneuse pour la sortir de là et apporter son véhicule au garage le plus proche. Elle envoya un texto rapidement à sa mère : Désolé mamá, je vais être en retard, j’ai des soucis avec la voiture. Je te tiens au courant dès que possible. Et avant que tu le demandes, oui, je vais bien. Bisous xxx

Le temps de rédiger un constat à l’amiable avec l’autre conducteur, la dépanneuse était enfin arrivée. On chargea rapidement sa voiture à l’arrière de la dépanneuse et Manuela pris place à l’avant à côté du conducteur.

- Pourriez-vous me déposer au garage "Two Wheels" ? J’ai vu que c’était à deux coins de rue d’ici. Ils pourront peut-être ressusciter mon tas de ferrailles, même si honnêtement, j’ai peu d’espoir.

Le conducteur acquiesca d’un signe de tête.

- Parfait ma p’tit dame, je sais très bien où c’est. J’vous souhaite vraiment qu’ils puissent vous aider!

Ils arrivèrent finalement devant le garage. La dépanneuse déchargea le véhicule dans le stationnement et se remit en route après avoir pris les coordonnées de Manuela pour lui transmettre sa facture. Manuela leva la tête vers l’enseigne en soupirant. Ce n’était définitivement pas dans ce genre d’endroit qu’elle espérait passer le reste de sa journée. Elle se dirigea malgré tout vers la porte qui menait à la réception et une petite clochette retentit pour annoncer son arrivée. Elle s’avança donc au comptoir et attendit patiemment qu’une personne vienne à sa rencontre.

Avoir la pèche

De la musique country braille dans le garage. Aujourd'hui, Loki est seul. Kosmo et le patron sont de repos. Le jeune homme est sous une bagnole de luxe, le genre que jamais il ne pourrait se payer, même s'il économisait pendant 20 ans tout son salaire. Ou quelque chose d'approchant. Des quelques mois depuis son arrivée, le patron lui fait vraiment confiance. Déjà qu'il lui laisse le garage à lui tout seul, et puis il peut bosser sur ce genre de bagnole. Sans parler de son propre pick-up, juste à l'entrée, avec Sol dedans. Il ne peut pas la laisser dans l'appartement, la pauvre bête déprimerait. Et la laisser avec Ambrosio, même si la chienne n'est pas chiante, car elle se met dans un coin et attend patiemment, Loki n'a pas envie d'imposer Sol à Ambrosio. Et puis, ce dernier a son chat à s'occuper. Bref, même si son tacot à l'allure Martin, dans le film d'animation Cars de Disney, il a le moteur de Flash McQueen. Enfin, bon, là n'est pas le problème. D'ailleurs, il n'y a pas de problème. Sauf peut-être celui de ne pas entendre la clochette, à cause de la musique. Ce n'est que lorsque la musique se stoppe que Loki soupire. Il se décide à prendre une pause. Il sort de dessous le pont et s'essuie les mains sur un chiffon, pendant à la poche du bleu de travail. En redressant le regard, il voit une petite dame dans la "réception"... qui est plus un coin de bureau où on range les papiers dans un ordre chaotique. Il s'avance alors et plus il s'approche, plus il se rend compte que la jeune femme est incroyablement bien foutue, comme on dit vulgairement.

- Bonjour, je peux vous aider ? En même temps, on entre pas dans un garage juste par plaisir. Il y a forcément une forme d'aide demandé en jeu. Donc elle vient pour sa voiture, ou moto, ou camion... Non, elle n'a pas une tête à conduire un camion. Une moto ? Peut-être. Elle plaira à Kosmo alors. Ah non, visiblement, c'est la voiture. Comment ça, elle est dehors ? Il tourne la tête vers l'endroit où le dépanneur a lachement délaissé la voiture de madame. L'épave ? Là ? Ca roule encore ce machin ? On va voir ça ? Déjà de loin, y'a des heures de réparation. Il n'imagine même pas quand il s'approchera. En même temps, il est méchant. Lui aussi, son pick-up, on a l'impression qu'il tombera en miette au premier coup de volant. Loki ne juge pas les gens, encore moins les machines, mais si la petite (jolie) dame vient le trouver, c'est que niveau mécanique, ce n'est pas son domaine, donc si sa voiture ressemble à une épave, c'est que c'en est une. Qu'est-ce qu'il s'est passé juste avant l'accident ?

Loki fait le tour de la voiture, observant les dégats en surface. Oui, il avait été méchant. Certes, la voiture ressemblait à un vieux tacot mais il avait des bases fiables. Elle pouvait valoir de l'or, cette carcasse. Bon... Outre les dégats matériels extérieurs, il fallait voir ce que le moteur pouvait donner. Il ouvrit la portière passager et tendit le bras pour mettre le contact, les clés toujours pendantes au volant. Rien. Comment ça... "rien" ? Pas un bruit. Même pas le petit clic du contacteur. Rien. Rien du tout. Loki fronce les sourcils et passe devant le véhicule pour ouvrir le capot. A première vue... tout à l'air en place. Le moteur, même s'il date de Mathusalem est robuste, il n'a pas pu calancher comme ça, sans rien... Alors c'est... Loki se pose quelques questions tout de même farfouillant un peu, mais sans chercher à mettre les mains dans le moteur qu'il sent encore chaud. Il n'est pas content, le mécano, il ne comprend pas l'origine de la panne. Ce n'est pas le coup arrière qui a causer l'arrêt complet du véhicule, alors... c'est quoi ?

- Et vous dites qu'avant ça, elle fonctionnait très bien ? Y'a eu une baisse de puissance ? Un toussotement étrange ? De quand datent les dernières réparations ?

Accoudée au comptoir, Manuela regardait convulsivement l’heure affichée sur son téléphone. Elle était déjà incroyablement en retard : sa mère n’aurait pas le choix de se débrouiller sans elle au restaurant. Et ce n’était pas cinq minutes de plus ou de moins qui allait y changer quelque chose. Conséquemment, elle avisa sa mère par message texte qu’elle ne croyait pas arriver à temps pour le service du soir : elle allait devoir lui trouver une remplaçante.

Puis, après de longues minutes d’attente, un jeune homme se décida enfin à venir à sa rencontre. Il était vêtu d’un bleu de travail, ses cheveux blond étaient légèrement ébouriffés et ses mains étaient noircies par le dur labeur. Il semblait un peu plus jeune qu’elle, certes, mais avec ce regard perçant et ses yeux couleur azure… Manuela ravala sa salive en frottant nerveusement sa nuque.

" Euh, oui. En fait, j’ai eu un léger accrochage, causé par un souci mécanique, je présume. Ce que je sais, c’est qu’elle ne roule plus et qu’on a dû la remorquer jusqu’ici. Elle est dehors, juste là ", dit-elle en pointant en direction de la devanture du garage.

Lorsque le mécanicien proposa d’aller voir le véhicule, elle acquiesça d’un hochement de tête et le suivi à l’extérieur. On voyait bien par son non-verbal que la première impression du mécano n’est pas très positive en ce qui concerne l’épave qui lui servait de véhicule il y a à peine 30 minutes. Manuela n’y connaissait franchement rien du tout à la mécanique automobile et était de celle qui montait le volume de la musique lorsque des bruits étranges se faisaient entendre. Elle avait peut-être attendu un peu trop longtemps cette fois et aurait assurément dû se rendre dans un garage il y a de ça plusieurs mois.

Les bras croisés sous sa poitrine elle regardait vers le ciel en essayant de se remémorer le cours des évènements ayant précédés l’accident.

" Alors en fait, juste avant qu’on me rentre dedans, je me suis rendue compte que lorsque j’appuyais sur l’accélérateur, la voiture ne répondait tout simplement plus. Aucune puissance, rien du tout. Elle s’est juste arrêtée en plein milieu de la rue, sans avertissement… C’est là qu’une autre voiture m’a embouti. "

Le mécano poursuivait son investigation en faisant le tour du véhicule et en essayant de la faire démarrer, sans succès. Il ouvrit le capot, mais ne semblait pas être en mesure d’élucider le mystère à première vue.

" Je n’avais jamais eu de problème particulier avant aujourd’hui, il me semble… quoique, si elle faisait un bruit en roulant, assurément que je n’ai rien entendu, ma musique est souvent très forte, je l’avoue… ", dit-elle en se mordillant la lèvre inférieure, un peu gênée par le ridicule de la situation.

Elle s’approcha du véhicule et farfouilla dans la boîte à gants à la recherche de la facture de sa dernière visite au garage, pour l’entretien usuel. Après quelques secondes, elle mit enfin la main dessus.

" Ah, la voilà! Bon, d’après cette facture, son dernier entretien remonte à… hum… déjà un an et demi… Mais aucun souci mécanique n’avait été signalé à ce moment-là, sinon j’aurais fait faire les réparations qui s’imposaient, bien entendu. "

Elle se rapprocha du mécano qui avait toujours le nez sous le capot.

" Alors docteur, est-ce qu’on peut encore espérer la sauver vous croyez ou c’est un cas désespéré? "

Elle esquissa un sourire supplicatif tout en déposant ses mains contre la carrosserie du véhicule.

" Vous savez, elle a l’air de rien comme ça, mais j’y tiens beaucoup à ce tas de ferraille… Sauf que j'avoue que je m'inquiète un peu du coût des réparations… Seriez-vous en mesure de me fournir un estimé? "

Manuela espérait toujours éviter de devoir vendre un rein pour payer les réparations à son véhicule. En effet, elle ne roulait pas sur l’or en ce moment en raison d’un important prêt bancaire qu’elle devait rembourser au courant de la prochaine année et qui avait servi au démarrage de son entreprise de traiteur événementiel.

... Mais peut-être y aurait-il moyen de trouver un arrangement pour le paiement de la facture si elle s'avérait trop salée? Manuela ne pouvait définitivement pas se passer de son véhicule pour le travail, il fallait donc absolument trouver une solution.

HJ :

Avoir la pèche

En même temps, il est bien en train de juger l’épave roulante. Puisqu’il la pense « épave ». Mais que dire d’autre quand on voit l’amas de taule que c’est devenu. D’après les dires de la demoiselle, elle a eu un accrochage… léger. Le type du remorquage n’est pas allé de main morte pour dépanner la conductrice. Mais au fur et à mesure qu’ils s’approchent, le garagiste peut voir que les pièces tiennent par la volonté du Saint-Esprit. Parce que là… il ne voit pas comment… C’est une bonne voiture pourtant, qui est fiable, et le manque d’entretien est flagrant. Pas le petit entretien pour garder la voiture viable, mais le gros entretien, celui qui vérifie qu’une voiture est une voiture. La femme a dû prendre soin de son véhicule… parce qu’elle avait surement besoin d’un truc qui roule. Mais pour tout le reste… Il ne savait pas encore ce qu’était la panne, mais il était certain d’avoir des heures de boulot à faire dessus. Elle explique alors qu’elle n’a pas entendu de bruit annonciateur de malheur avant cela. Mais en même temps, elle avoue écouter de la musique fort. Elle farfouille dans la boite à gant avant de lui tendre des papiers. Aucun ennui mécanique ? Si pour beaucoup ces papiers sont du charabia, Loki lit ça comme un roman passionnant. En effet, rien ne semblait hors de… Quand il regarde l’entête, il pince les lèvres et fait une moue. Le garage en question n’est pas le plus fiable en tout cas. Il a beau n’être là que depuis quelques mois, il sait que les réputations vont bon train pour le garage qui a fait la révision.

" Alors docteur, est-ce qu’on peut encore espérer la sauver vous croyez ou c’est un cas désespéré? "

Loki sourit. Il aime bien l’humour de la jeune femme. Alors il lui répond sur le même ton.

- Et bien, avec une patiente comme ça sur ma table d’opération, il faudra bien plus qu’une transfusion. Etes-vous consentante à un don d’organe ? Il sourit encore avant de reprendre plus sérieusement. Pour être tout à fait honnête, les réparations peuvent couter plus chères que d’acheter une voiture d’occasion. Rien que d’un coup d’œil, j’en ai pour des heures… Et je sais pas où est cette panne.

Elle insiste pour demander un devis. Loki se mord la lèvre inférieure, soupire et regarde le tas de ferraille. Elle aime beaucoup sa voiture, mais malgré tout, elle payera sans doute plus cher au final que si elle s’en procurait une d’occasion. Il passe une main sur sa machoire. Même s’il fait l’effort pour descendre au minima les couts… Sans parler qu’il ne sait pas où est la panne encore. Il nie du chef. Il préfère pas. Même si…

- Ca dépend vraiment de la panne, Madame. Ca peut aller du simple au quadruple. Ca dépend de combien de temps je passe sur la voiture. Ca dépend des pièces à changer. Vous avez tout votre bas de caisse à refaire. La taule froissée… Et si je dois déposer le moteur… Ca va chiffrer. Sincèrement, je ne sais pas… Au pire… du pire du pire… Je dirais 5 ou 6 000 $. Loki farfouille encore dans le moteur, bougeant ceci ou cela pour vérifier si c’est la pièce fautive. Il y a des voitures d’occasion à 2 500 ou 3 000 dollars si vous voulez, qui sont plutôt fiables, mais si vous voulez vraiment garder celle-là… Il réfléchit encore un peu, tentant de donner un chiffre un peu plus exact. De toutes manières, il n’y a aucun bruit quand on tourne la clé, donc si c’est pas le contacteur, c’est le moteur. Donc j’vais mettre la voiture sur le pont, descendre le moteur et l’ouvrir. Ca va prendre plusieurs jours, au moins la semaine. Après ça, si on trouve la panne, faut les nouvelles pièces ou au mieux, un coup de soudure, mais elle ne fuit pas, regarder, y’a pas une goutte par terre, donc j’suis même pas certain que c’est ça.  Faut réparer également votre bas de caisse et ça, je dirais c’est minimum 1 000 dollars. Vous voulez vraiment garder cette voiture ? Loki observe la jeune femme, son regard déviant sur les courbes. Faut dire, elle était très loin d’être moche et ses vêtements mettaient ses courbes tellement bien en valeur.

Manuela se tenait tout près du mécano alors qu’il avait encore les mains sous le capot. Elle aimait bien l’observer travailler, se creuser les méninges... il était vachement craquant, les sourcils froncés, préoccupé. C’était un prix de consolation plus que satisfaisant pour cette visite impromptue au garage. Il était peut-être jeune, mais clairement, lui, il était habile de ses mains… Elle secoua la tête pour chasser un frisson qui lui parcourait le dos jusqu’à la nuque. Les scénarios qu’elle pouvait construire dans sa tête la faisaient bien rire. Elle ne connaissait rien de lui, et lui, rien d’elle. Sans doute qu’elle n’était pas son genre aussi… Elle n’en savait rien et n’en saurait sans doute rien non plus. C’était que le mécano après tout, mais ça lui plaisait bien d’imaginer une fin un peu différente.

Plus le temps passait, plus il devenait évident que les chances de survie de la patiente s’amenuisaient. D’ailleurs, Manuela répondit au sourire du garagiste lorsqu’il entra dans son jeu, reprenant et poussant encore plus loin la métaphore. Elle haussa un sourcil, bien déterminé à lui répondre sur la même lancée. Ses fesses déposées sur la carrosserie, les mains appuyées de chaque côté, elle tourne la tête dans sa direction.

- Si je suis consentante? Hum… seulement si c’est vous qui faites le prélèvement. C’est que vous semblez tellement habiles, de véritables mains de chirugien. Je suis certaine que vous êtes capable d’un miracle, pas vrai?, dit-elle avec un regard suppliant.

Il enchaîne ensuite sur un ton plus sérieux. La possibilité de se procurer une voiture d’occasion à moindre coût est évoquée. Elle fait la moue, déçue… En même temps, c’est un peu sa faute aussi, elle avait négligé l’entretien, elle n’avait pas donné à cette voiture tout l’amour qu’elle méritait. Le mécano se fait hésitant. Il n’a pas terminé son analyse, il est donc difficile d’estimer les coûts, elle comprend tout à fait. Elle voit bien qu’il essaye autant que possible de lui donner l’heure juste. Quand elle le voit se mordiller la lèvre inférieure pour finalement l’appeler madame, elle ressent une chaleur au niveau de sa poitrine. Puis, il lui donne enfin un chiffre et elle manque de s’étouffer.

- 5-6 000 dollars! C’est clair que je ne pourrai jamais payer ça, pas en ce moment, c’est impossible… Sauf si on peut trouver un arrangement pour le paiement, un délai… Vous acceptez les dons d’organes peut-être?, dit-elle, un sourire se dessinant sur ses lèvres, mais qui tenait davantage du désespoir.

Le mécano poursuit ses recherches, insérant ses mains entre les organes encore chauds et sanguinolents de la patiente. Il revient à la charge avec la possibilité de se procurer une voiture d’occasion. Elle passe ses mains dans ses cheveux, pensive. Elle n’avait pas cru devoir se rendre jusque-là. Devoir dire adieu à sa première voiture, déjà ?

- J’entends tout ce que vous dites. Ça parait insensé de vouloir la garder… c’est ce que je dois comprendre? Et misère… C’est un deuil, voilà tout… Une première voiture, la première que je me suis procurée moi-même, avec mes économies et tout… enfin. Ça ne serait pas logique d’investir encore des sommes dans ce tacot. Écoutez, je vous connais pas, mais j’ai envie de vous faire confiance. Vous avez l’air de bien vous y connaitre… alors, dites-moi ce que vous feriez vous à ma place? Je suis prête à entendre la vérité et me résoudre à laisser aller la patiente si c’est vraiment la seule option.

Manuela observe attentivement le mécano, impatiente de connaître son avis définitif sur la question ou le plan de match qu’il propose.

- ... et si jamais... En avez-vous à vendre, des véhicules usagés?...