Depuis plusieurs jours maintenant, Jesus n'était plus que l'ombre de lui-même. Son sourire et son rire jovial, sa façon de parler comme ça lui venait, sa bonne humeur... avaient laissé place à quelqu'un de terne, silencieux, froid. Personne n'osait lui parler, dans son atelier, sauf lorsque c'était nécessaire. Lorsqu'il inspectait le travail de ses apprenties, il ne donnait qu'un avis tranché, net, sans poursuite. Ca ne lui ressemblait pas et tout le monde avait deviné ce qu'il se passait : Autumn était partie et leur relation n'était plus. Elle qui avait représenté tout pour lui, voilà qu'il se sentait comme l'homme le plus seul au monde. Pour le réconforter, sa mère avait prévu de passer dans quelques jours, histoire de le soutenir physiquement parlant. Ca lui remontait le moral, un petit peu. Mais en attendant, il fallait qu'il s'occupe l'esprit. Le travail l'y aidait beaucoup, mais son aspect créatif l'avait quitté pour le moment. Il n'arrivait pas à réfléchir et à imaginer de nouvelles choses. Sa muse l'avait quitté, le laissant seul, voué à lui-même.
Cette blessure était terrible à vivre. Bien plus douloureuse que si on lui avait coupé le bras. Elle était même insupportable. Il savait qu'au fond, il fallait que le temps fasse son affaire et pourtant, il avait l'impression que ça lui était insurmontable et qu'il ne pourrait jamais s'en remettre. Comme chaque personne qui vivait une rupture difficile. Ses proches avaient beau le soutenir, rien n'y faisait, il était incapable de se sentir heureux. Devant les caméra, il souriait, parce qu'il se forçait, mais au fond, il était éteint.

Et puis un soir, comme ça, il décida de passer chez Aisling, une amie de longue date. Il avait demandé à son chauffeur de le laisser devant chez elle alors qu'il parcourait l'avenue où elle vivait. Il n'avait pas eu besoin de s'annoncer au gardien, ce dernier le laissa regagner l'appartement de la styliste. Arrivé devant, il sonna. Une fois, deux fois, trois fois et puis, encore plein d'autres fois frénétiquement.
"Aisling, c'est moi, Jez... Ouvre s'teuplait. J't'en supplie..."
Il cessa finalement de sonner pour appuyer son front contre la porte et inspirer un grand coup. Pas question de céder aux sanglots, il devait se montrer un peu plus fort.

Les journées étaient censées être plus ou moins tranquilles surtout depuis la découverte de la grossesse. Tu étais loin d’être prête à devenir maman, encore moins mère célibataire. L’enfant aura un vide à combler et même si le père prend ses responsabilités, es-tu prête à t’occuper d’un enfant pendant 364 jours chaque année ? Tu as décidé de le garder étant contre l’avortement, mais tu te fais beaucoup de soucis à ce propos et plein d’inquiètude se montre de jour en jour. Tu ne gagnes pas des millions même si tu as un nom dans le monde de la mode et tu risques de tout perdre en lâchant ton boulot. Il était hors de question d’abandonner ton dur labeur, mais le médecin te demande de te reposer. L’envie de pleurer était grande, mais tu restes forte. Tu te ménage un peu plus sans pour autant obéir à ton médecin. Tu avais des apprenties avec toi dans ton local et avait décidé de leur donner leur chance de prouver leur compétence à chacun en donnant un thème.
Tu avais donné plusieurs semaines pour y bosser dessus et aujourd’hui était le jour de donner les notes de chacun. Tu étais agréablement surprise par chacun.es d’entre eux et avais eu beaucoup de mal à choisir celui ou celle qui sera responsable de l’atelier lors de tes absences et décide d’en choisir deux au lieu d’un seul.
La journée se finit en milieu d’après-midi en décidant de prendre le reste de la journée pour te reposer en ressentant le besoin en ayant pris le temps de passer te prendre des bricoles pour cuisiner le soir ou tu commanderas au besoin. Tu approches vers chez toi à grand pas en tapotant sur ton mobile pour l’envoyer à ton frère pour prendre des nouvelles et lui proposer de se voir afin de passer un peu de temps en famille et lui annoncer la nouvelle. C’est surtout pour avoir des conseils sur la situation, tu te sens complètement perdu depuis ce test de grossesse positif et n’arrive plus à faire quoi que ce soit.

Tu décides de monter les escaliers jusqu’à ton étage pour faire un peu de sport avant de voir une silhouette se tenant sur la porte d’entrée de ton appartement en reconnaissant la personne. Jez, l’un de tes bons amis connu pendant un atelier ensemble, tu avais souvent bosser avec lui depuis le premier jour. Tu t’approches calmement avant de poser la main sur son dos en la frottant doucement en penchant le visage sur le côté pour chercher son regard « Cela fait longtemps que tu es là ? » demandes-tu en te frottant la main sur son dos toujours avant de te décaler avant de poser un baiser sur sa joue en voyant sa triste mine. Il ne va pas bien depuis quelques jours et avait pu avoir des échos par ses apprenties qu’il n’était plus lui-même. C’était triste de le voir ainsi. Tu ouvres ta porte pour le laisser entrer en premier pour fermer derrière toi à clef, il risque de finir la soirée et la nuit à la maison. Tu refuses de le laisser partir dans cet état, tu ranges rapidement les courses en réfléchissant à un repas à préparer pour vous deux. Tu le rejoins dans le salon avant de t’installer à ses côtés en posant une main sur sa joue « Si tu as besoin de parler, n’hésite surtout pas… tu sais que tu peux te confier à moi. » avoues-tu en ayant poser deux bouteilles, une eau plate et l’autre gazeuse.

Ne plus savoir quoi dire, quoi faire, avoir la sensation de n’être plus qu’une coquille vide. Une rupture, ça vous dévastait. Lui qui était si sensible et tellement amoureux, il avait l’impression que rien ne serait plus jamais surmontable après ça. Jesus était dévasté, anéanti. C’était comme si toute la joie de vivre lui avait été retirée et ça le frustrait. Parce que malgré son pic d’émotion, il savait que quelque chose en lui s’était brisé, que ça allait prendre du temps pour guérir. Une rupture, ça vous donnait l’impression de recevoir un poignard dans le coeur. En partant, son ex avait pris avec elle une partie de sa vie, de son âme. Peut être se reconstruira t-il un jour, mais pour le moment, l’heure était à la souffrance. Il faisait peine à voir, Jesus, à ramasser à la petite cuillère. Combien de fois l’avait-il fait pour ses amis et ses amies qui avaient vécu ce cas présent? Lui qui s’était toujours forgé des barrières par rapport à l’amour, il avait voulu y croire. Autumn avait été la femme de sa vie, si ce n’était pas avec elle, ce serait avec personne d’autre. Du moins, c’était ce qu’il se disait à cet instant. Difficile de croire à un nouvel amour après ça.

Alors le voilà à la porte de chez Aisling, à pleurer comme une madeleine. Ca le frustrait, au fond, il inspirait tellement la pitié qu’il s’en voulait d’avoir été aussi naïf, d’avoir eu espoir, d’avoir écouté son coeur et non pas la raison. Il savait aussi qu’il était susceptible de refaire cette erreur parce qu’il était comme ça, Jesus, à céder à ses sentiments. Il suffisait qu’il rencontre la personne et le voilà foutu. Ne t’en fais pas Jesus, tu n’es pas un cas à part. Peut être mais là, pour le coup, il avait le sentiment d’être l’être humain le plus malheureux du monde.
Il était rare pour lui de se montrer aussi vulnérable. Il avait beau garder la tête haute devant ses employés, lorsqu’il était seul, l’épave réapparaissait. Et voilà que Aisling faisait son apparition, accourant près de lui pour le consoler. Il ne répondit pas à sa première question, se contentant d’échapper un sanglot de tristesse. Jesus se cachait de visage tel un endroit derrière ses grandes mains pour ne pas trop exposer sa douleur. Du moins, pas aussi directement. Il était incapable d’affronter son regard là tout de suite, malheureusement.  L’Irlandaise ouvrit la porte de son appartement et Jesus entra en essayant de se calmer. Mais c’était difficile et ses yeux étaient encore humides. “Pardon, je fais pitié” parvint-il à exprimer difficilement. Son amie lui assura qu’elle était présente s’il avait besoin.
“Je sais pas ce que je veux. J’ai mal. Si tu pouvais… me faire oublier la douleur là tout de suite, ce serait… génial.”
Pour la première fois depuis son arrivée, Jesus avait osé affronter son regard. Ses yeux étaient rougies par les larmes, mais il se sentait un peu plus apte à entretenir une conversation.

Silence. C’était un peu trop silencieux à ton goût, mais tu avais pu avoir des retours le concernant, il n’était pas dans une bonne période. Une mauvaise passe. Une rupture qui le brise terriblement. Tu ne l’avais jamais vu ainsi, lui qui était toujours solaire et souriant. Tu ne sais pas comment te comporter, surtout que tu voulais avoir son avis sur un sujet qui te turlupine depuis quelques semaines. Tu n’allais pas lui ajouter de l’huile sur le feu, mais tu finis par poser une main sur sa joue pour le rassurer un peu avec ta chaleur corporelle. Tu n’étais pas elle, mais tu étais l’une de ses meilleures amies. Du moins, tu le considères comme tel, ta relation avec Jésus n'était pas du tout compétitive. Justement, tu étais souvent l’un de ses binôme pour des gala, vos tenues étaient souvent remarque de compliment. Il avait beaucoup de facilité à tomber amoureux contrairement à toi, mais c’était à cause de ta rupture d’il y a quelques années qui t’avait laissé un goût amer. Il était très sincère envers ses propres sentiments, tu avais beaucoup d’admiration pour ça. Tu l'admire tout court. Il avait toujours le mot pour te faire rire ou te remettre en question sur des choses intéressantes, même s’il pouvait être un clown. Néanmoins, il n’était plus que l’ombre de lui-même et cela te fait beaucoup de peine. Tu cherches le regard de ton ami qui l’évite depuis ton arrivée, tu te pinces les lèvres.
Tu secoues le visage en te mettant de côté pour lui faire face avant de poser une main sur la sienne. « Absolument pas, Jésus… Ce sont tes sentiments et émotions qui sortent, faut les laisser couler. » lâches-tu doucement d’un ton doux en tapotant sa main légèrement. Tu ne le force pas à te regarder, tu voulais le laisser agir en fonction de ses envies.
Tu ne pouvais pas faire grand chose pour la douleur qu’il ressent, c’est propre à chacun, mais tu pouvais être à ses côtés autant qu’il le souhaites. Son regard tombe dans le tien depuis votre rencontre et pince doucement les lèvres. Tu ouvres les bras pour lui offrir un doux câlin pour le cajoler avant de t’approcher de lui et de le prendre dans tes bras. Tu étais tactile seulement avec tes proches, sinon tu évitait les contacts physiques. « Je ne sais pas vraiment comment enlever la douleur que tu ressens, mais tu peux utiliser mes épaules pour pleurer ou même me crier dessus, si l’envie y est. » dis-tu en tapotant son dos d’une main réconfortante. Tu savais que certains crier était un moyen pour se soulager, ce n’était pas forcément le meilleur moyen, mais c’était une idée parmi tant d'autres.
Tu finis par te décaler en voyant ses yeux rougis et les larmes coulant, tu essuies doucement ses larmes en lui posant une bouteille plate dans la main. « Hydrate-toi un peu, j’imagine que tu ne manges pas bien ? » demandes-tu avec certitude d’avoir la réponse à ta réponse. Comment pouvait-il pu réussir à manger dans cet état ?