°° Moules, frites et révélations °°

Il lui prit les mains et l’invita à le suivre vers son lit, où ils seraient définitivement plus confortables pour reprendre leur souffle.

- Installe-toi, je vais nous chercher quelque chose à boire. As-tu faim?

Le lit est de format king avec un édredon en plume et de multiple coussins et oreillers : le confort total. Lorsque Gordon revient, il a une bouteille de vin blanc dans une main et une bouteille d’eau dans l’autre. Un sourire charmeur se dessine sur ses lèvres alors qu'il lui tend les deux :

- Alors, votre choix mademoiselle?

Gordon est heureux, convaincu que rien ni personne ne pourrait venir gâcher cet instant magique avec la femme de ses rêves.

°° Moules, frites et révélations °°

Il était le seul avec qui je me laissais dominer, je me livrais à lui en toute confiance, moi qui d’habitude mène la danse avec Gordon c’est différent. Je n’ai pas peur de me livrer totalement à lui, je me mets à nue que ce soit métaphoriquement ou littéralement parlant et je me suis rendu compte que cela me plaisais. Gordon me permet d’explorer d’autres horizon, il me retourne le cerveau, le cœur et le corps, je suis tombée raide dingue amoureuse de lui mais est-ce suffisant pour envoyer balader une possible vie de famille ? Je ne sais pas, j’aurais tendance à dire oui mais partir dans l’inconnue avec un enfant à naitre est-ce une bonne idée ? Avec Berto, je connais une certaine stabilité, nous étions déjà prêts à accueillir un enfant, il y a quelques années de cela, Gordon l’est il lui ?

Je suis sortie de mes pensées par le bel âtre, me demandant quoi choisir entre de l’eau et du vin. Je chasse mes mauvaises idées loin, pour le moment je profite de ce merveilleux instant, nous verrons les complications plus tard. En tant normal, ça serait le vin mais vu mon état, l’eau est un choix plus judicieux.

« Ca sera de l’eau. » Je lui souris et attrape la bouteille priant qu’il ne me pose pas de question sur ce choix plus que douteux. Ce n’est clairement pas de moi, je vais devoir être agile comme un chat.

« Allez viens t’installer près de moi. » Lui dis-je tout en tapotant le lit à mes côtés. J’avais envie de me blottir dans ses bras, de profitant de la chaleur de son corps, occultant la dispute et le brise cœur qui arrivait à grand pas.

°° Moules, frites et révélations °°

Gordon s’était dirigé vers la cuisine pour récupérer la bouteille de vin blanc qu’il avait mise au frais pour l’occasion ainsi qu’une bouteille d’eau. C’était aussi une diversion pour lui permettre de reprendre son souffle. Il avait beau se tenir en forme, ses capacités cardio-vasculaires pouvaient parfois trahir son âge, ce qu’il avait beaucoup de mal à accepter.

En revenant vers sa douce, il revivait en boucle les derniers instants en sa compagnie, alors qu’elle gémissait son nom. Il n’avait définitivement rien perdu de son doigté et de son endurance. Chaque fois, il l’amenait au 7ᵉ ciel et cette simple idée le faisait frémir d’excitation. Il ne se lasserait jamais de leurs ébats torrides.

De retour auprès d’elle, il fut surpris de constater qu’elle refusait la bouteille de blanc qu’il avait choisi spécifiquement pour elle. Puisqu’il n’avait pas envie de gâcher cet instant si parfait, il évita par conséquent tout commentaire à cet égard.

- Très bon choix… je crois que cette bouteille peut attendre, après tout. De toute façon, nous n’avons besoin que d’amour et d’eau fraîche, pas vrai?, dit-il en souriant mesquinement.

Alors qu’elle l’invite à s’installer près d’elle, il ne se fait pas prier très longtemps. Il s’allonge à ses côtés, le haut du corps légèrement redressé et reposant sur les oreillers. Il enroule ses bras autour d’elle et la rapproche de lui pour qu’elle se love contre son torse. Du bout des doigts, il caresse doucement son épaule et le haut de son dos. Il dépose un baiser sur son front.

- Tu m’avais tellement manqué… On est tellement bien. Si ça ne dépendait que de moi, je te garderais ici juste pour moi. Je m’occuperais bien de toi… un peu comme ce soir, dit-il, avec une voix enjouée.

Il glissa sa main dans ses cheveux blonds, soyeux comme la soie. Et dire qu'elle était encore plus belle qu’à ses vingt ans... Comment cela pouvait-il être possible? De son autre main, il caressa délicatement son ventre, ses hanches, ses cuisses… il était le plus heureux des hommes.

- J’y pense, j’ai acheté de l’huile à massage juste pour nous deux l’autre jour. Je pense que je l’ai mise dans la table de nuit. Est-ce que tu serais partante pour un massage tout en douceur exécuté au meilleur de mes connaissances en la matière?

Sans attendre sa réponse, il se tourne dans sa direction et se retrouve au-dessus d’elle alors qu’il agrippe le tiroir de la table de nuit pour récupérer la précieuse bouteille. Il en profite pour l’embrasser langoureusement au passage.

- Alors, ça te tente?

Il plongea son regard dans le sien, replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille. Il glissa son pouce le long de sa joue et de son cou, sentant sa peau délicate frémir sous ses doigts. Zenia n’avait définitivement pas perdu de son charme avec les années. Gordon se souvenait qu’elle avait à peine 28 ans quand il l’avait retrouvé, travaillant au laboratoire dont il venait de faire l’acquisition en 2009. Cette femme de tête caractérielle et charismatique l'attira dès le premier jour. Il aurait sans doute pu tenter une approche plus tôt, mais jusqu’à tout récemment, elle semblait véritablement heureuse avec son mari, Bertho. Il ne voulait pas prendre le risque de la voir s’éloigner de lui s’il s’avérait qu’elle n’était pas intéressée. Contre toute attente, lorsque son couple s’était mis à battre de l’aile au courant de l’année, c’est vers lui qu’elle s’était tournée, pour son plus grand plaisir. Il avait donc bien l’intention de profiter de chaque instant passé en sa présence…

HJ :

°° Moules, frites et révélations °°

Nous n’avons besoin que d’amour et d’eau fraîche, j’aimerais tellement que cela soit vrai. La vie serait plus simple si je pouvais me cantonner à ce jolie dicton mais nous savons tous les deux que dans notre monde, la vie n’est pas si facile. Non, nous devons veiller à toujours faire les bons choix si nous ne voulons pas risquer notre peau. C’est aussi la raison pour laquelle, il est préférable que je reste avec mon mari, Berto est en capacité de me protéger, je n’ose espérer de quoi Alvaro serait capable s’il apprenait que je quittais mon mari pour Gordon. Je vais redevenir mère et je dois protéger mon enfant, s’il ne s’agissait que de moi, je pense honnêtement que j’aurais déjà divorcé mais je ne suis pas seule, il y a ce petit être qui vis en moi mais il y a aussi Gemma. Je dois les protéger tous les deux….

Je le regarde totalement charmé, je souris à ses paroles, n’osant quoi répondre. Bien sûr que j’aimerais vivre d’amour avec lui mais cela ne peut pas se passer. Je dois être raisonnable comme toujours, écouter ma tête et faire taire mon cœur.

« Oui ça serait merveilleux. »

Je lui tends la main pour qu’il vienne s’allonger à mes côtés sur le lit. Je me blottis dans ses bras, profitant de la douceur de sa peau, de la chaleur qu’il dégage mais surtout de ce cocon de bien être qu’il m’inspire. Je laisse mes pensées s’égarer, m’imaginant la vie que nous pourrions avoir tous les deux, tous les trois ? Je l’imagine tombant sous le charme du minois de cet enfant, s’émerveillant devant ses premiers pas, riant à gorge déployer lorsque les blagues qu’ils m’auront concoctées auront rencontré un franc succès. Oui cette vie à trois serait merveilleuse…
Je sors de cette rêverie lorsqu’il me dépose un baiser sur le front plein d’amour et de tendresse. Mon cœur se fend encore un peu quand il me délivre ses mots d’amour. Je n’ai pas envie de le briser mais c’est littéralement ce que je vais devoir faire.

« Moi aussi je suis bien dans tes bras, je chéris chacun des moments que nous avons passés ensemble. »




Je m’apprête à poursuivre mais ses mains viennent caresser mon corps, me faisant tous oublier à part la chaleur divine que me procure son toucher. Des frissons me traversent, traduisant l’effet qu’il me fait. Il me séduit aussi avec une proposition de massage, si je m’écoutais je me laisserais séduire par cette idée. Il me retourne, son corps musclé se retrouvant au dessus de moi. J’ai envie de le dévorer, de goûter chaque partie de son être. Ses lèvres viennent savourer les miennes et je me laisse emporter quelques instant. J’ouvre à nouveau les yeux, reprenant mes esprits.

« Gordon, il faut qu’on discute. »

Je me relève, le forçant à s’asseoir à mes côtés. Mon ventre se tord en deux, sachant déjà le mal que je vais nous infliger à tous les deux.

« Je dois être honnête avec toi… » Mon cœur bât la chamade, j’ai l’impression qu’il va sortir de ma poitrine. C’est la première fois de ma vie que je me déteste au plus au point. Je saisis une de ses mains, la caressant tant que je le peux encore. « J’ai appris que je suis enceinte... » Je n’arrive pas à le dire, les mots viennent difficilement à ma bouche. « Le bébé est de Berto, je ne peux pas le quitter, je dois essayer de sauver mon couple. » Je détourne le regard alors que quelques choses me coulent sur les joues. Des larmes, oui Zenia Adams pleure, c’est possible ! « Je t’aime Gordon, oh combien je t’aime mais je l’aime lui aussi et puis vu ce que nous avons traversé…. Je, je… Je me dois d’essayer. »

Je déteste ce que je suis entrain de faire, ma tête a pris le contrôle de mon être, laissant à mon cœur que mes yeux pour s’exprimer, déversant des larmes de regret et de chagrin. Je ne sais pas si c’est le bon choix mais c’est la décision qui me semble la plus sûre pour tous le monde. Je dois être raisonnable, je suis déjà terrifié à l’idée de perdre un nouvel enfant alors je ne veux pas en plus être terrifié pour ma propre vie et celle de Gemma. Tout est trop compliqué pour qu’un nous existe, s’il n’y avait pas eu ce bébé, je serais peut être partie mais il est là désormais.

°° Moules, frites et révélations °°

Alors que Zenia est lovée dans ses bras, le temps semble s’être arrêté. Gordon sent le courant qui passe entre eux, un courant électrique ininterrompu, déchargeant des secousses à intervalles réguliers. À cet instant, Gordon croit que la blonde pourrait bien être la femme de sa vie. Cette connexion, ça lui rappelle un peu ce qu’il a brièvement vécu avec Camila. Cette histoire inachevée lui a laissé un vide difficile à combler, mais ce soir, l’espoir semble vouloir renaître en lui.

Puis, c’est l’hécatombe. Sa respiration se bloque, sa vision s’obscurcit, son coeur bat vite, très vite. La nausée l’envahit. Les vertiges. Zenia. Enceinte. Enceinte de Berto. Pourquoi!? Gordon est sous le choc et n’entend pas les derniers mots de Zenia qui lui répète qu’elle l’aime. Il voit bien les larmes sur ses joues, mais il n’y peut plus rien. Elles ne l’atteignent pas. Une muraille invisible est en train de se dresser entre eux. Doucement, sans geste brusque, sans un mot, sans un souffle, il desserre son étreinte autour d’elle et se recule pour descendre de son côté du lit. Il se lève, attrape sa robe de chambre qu’il noue rapidement autour de sa taille puis se dirige vers la table où il a déposé la bouteille de vin blanc. Il retire le bouchon et avant de s’y désaltérer à même le goulot, il s’exclame :

- C’est vraiment parfait. Ça en fera plus pour moi alors.

Il avale d’un trait le tiers de la bouteille, les yeux fermés, la rage au ventre. La bouteille toujours dans ses mains, il tourne le dos à Zenia alors qu’il sent monter en lui un chagrin si immense qu’il fait déferler des ruisseaux sur ses joues. Il ne veut pas qu’il la voit ainsi.

- Comment!? Pourquoi? Et puis, comment peux-tu être si sûr qu’il est de lui?

Gordon ne contrôle plus rien. Il est un animal blessé qui se bat pour sa survie. Jamais il n’aurait pu prédire la bombe qu’elle venait de lui lancer. Son orgueil, son amour-propre, sa confiance en lui, en elle, tout cela venait d’être déchiqueté en petits morceaux. Il fait volte face et se dirige dans sa direction, gesticulant avec ses bras et sa main qui tient toujours la bouteille, passant de la tristesse à la colère en un claquement de doigts.

- J’peux pas croire. J’peux pas croire que tu me fasses ça. Que tu NOUS fasse ça. C’est quoi, tu penses que j’t’aime pas assez? Tu penses que j’pourrais pas aimer l’enfant d’un autre? Pourquoi c’est pas moi, pourquoi c’est pas NOUS que tu choisis? C’était que du vent ces derniers mois, c’est ça? T’en a rien à faire de mes sentiments, de mes sentiments RÉELS pour toi? Bordel, c’était QUOI nous deux pour toi??

Gordon avale à nouveau plusieurs gorgées de vin sous le regard de Zenia. La bouteille est maintenant à moitié vide. Puis, il réalise à cet instant, comme si l’alcool avait éclairci son esprit momentanément, à quel point le moment qu’elle choisit pour lui annoncer la nouvelle est cruel :

- Bordel Zenia. Mais tu savais déjà tout ça en arrivant ici. Putin, et tu.. on.. a quand même… Non, mais à quoi tu joues!? Je sais vraiment pas ce qui me retient de te mettre à la porte sur le champ. Il prend une pause avant de poursuivre, et puis va dont rejoindre cet enfoiré de Berto et fiche-moi la paix.

Gordon se laisse tomber assis sur le canapé. Ses paroles dépassent inévitablement ses pensées, l’alcool fait tout sortir de travers. Mais il continue de porter la bouteille à ses lèvres, espérant peut-être que cesse enfin la douleur, mais c’est le contraire qui se produit. Les larmes coulent et déferlent le long de ses joues, de son cou, sur son torse. Puis il se met à se frapper la tête avec la paume de la main, à deux trois reprises :

- Qu’est-ce que j’ai pu être con, mais qu’est-ce que j’ai pu être con! Pourquoi est-ce qu’il a encore fallu que je tombe amoureux de celle avec qui j’ai pas d’avenir!

Il dépose finalement la bouteille de vin dont il ne reste qu’un fond sur la table basse et enfoui son visage dans ses mains, laissant échapper quelques sanglots quasi inaudible.

°° Moules, frites et révélations °°

J’ai lâché la bombe, ce que je retenais depuis mon arrivée dans cet appartement. J’ai a peine le temps de finir ma phrase que l’atmosphère devient pesante. Notre bulle d’amour éclate en plein vol et les tensions apparaissent. Gordon se raidit instantanément, je sens son corps sous le mien se tendre. Il en profite même pour finir notre étreinte et sortir du lit. Mon cœur se brise, je m’attendais à quoi en même temps, il n’allait pas me rassurer, je venais de lui avouer que j’étais enceinte et qu’en plus je retournais avec mon mari. Je me redresse dans le lit et je l’observe, la peine émane de son corps, il n’est que souffrance et colère, je le vois, je commence à le connaitre à force.

Il a enfilé sa robe de chambre comme pour mettre un trait à cette intimité que nous venons de partager, mettre une barrière entre nous. Je l’ai déçu, je le sais mais je me suis déçue moi aussi. Il se rapproche de la table et commence à boire la bouteille de vin au goulot, il ne me montre que son dos. Mon ventre se tord de douleur, je suis entrain de briser cet homme et mon cœur par la même occasion. Oh comme je me déteste à cet instant. Je me rapproche du bord du lit, recouverte seulement du drap, je me lève à mon tour.

« Je suis médecin Gordon, je sais calculer une date de conception, et je n’étais pas avec toi ce jour là. »

Je me sens horrible, je lui renvois en pleine figure que oui je couchais encore avec mon mari mais d’un côté c’est Berto mon mari. Certes j’ai commencé à développé des sentiments pour Gordon mais j’aime aussi Berto. Je suis perdu entre deux hommes et j’ai du prendre une décision, une des plus difficiles. J’essaye de me forger une carapace pour affronter cette conversation, faire remonter en moi la garce de Zenia, celle qui ne ressent rien mais c’est à ce moment là que Gordon décide de venir me faire face. Je rate ma respiration, ravalant mes larmes face à ses mots.

« Je suis marié Gordon ! J’aime encore Berto, oui nous rencontrons des difficultés mais je ne t’ai jamais caché que j’étais encore amoureuse de mon mari. Ce bébé est de lui, tu veux que je fasse quoi ! La vie me donne une nouvelle chance de réparer ma famille alors oui je la saisis ! » Ma voix est chevrotante, je toussote pour me reprendre. « Nous deux ce n’était pas rien loin de là et si je n’attendais pas cet enfant cela aurait pu être différent mais voilà j’attend un bébé et je ne compte pas renoncer à ce cadeau que me fait la vie. »

Non mon enfant est ma priorité, j’ai tellement souffert lors de la perte de mon premier que cette fois ci je compte bien me focaliser sur ma grossesse et sur rien d’autre. Je veux que ce bébé soit heureux et en sécurité donc oui la pour lui, je choisi Berto.



A quoi je joue ? A rien, je me laisse juste dépasser par mes sentiments, j’ai juste laissé parler mon cœur et voilà où j’en suis. Je referme mon cœur, faisant grandir cette carapace, laissant apparaitre la garce.

« Il faut dire que je n’ai pas eu le temps de te dire mots quand je suis arrivée.  Je t’ai juste donné une dernière danse, un dernier moment avant de nous dire aurevoir. » Je saisis mes vêtements et entoure mon corps avec le drap. « Oui j’y retourne, c’est là où est ma place. »

J’évite de le regarder, cela me fait trop mal, je dois rester forte, je ne dois pas lui montrer combien je souffre moi aussi. Je suis une femme affreuse, je suis entrain de broyer son cœur alors que j’aurais pu fuir depuis bien longtemps ses bras. J’aurais du arrêter notre relation au moment où j’ai commencé a avoir des sentiments pour lui. Je lui tourne le dos, ne voulant le voir dans cet état.

« Tu sais comment ça se passe dans notre monde, on ne quitte pas le trafic comme ça et encore moins son mari. Tu nous côtoie depuis des années Gordon, tu sais que tous n’est pas aussi facile dans ce monde. »

Je commence a me rhabiller, ne voulant sortir nu de cet appartement. Mon cœur bat à tous rompre mais extérieurement, je ne montre rien, je garde la face, froide comme je sais le faire.

°° Moules, frites et révélations °°

Zenia, cette femme au coeur de pierre, était en train de réduire en cendre ce qui restait de mon coeur meurtri. Je laissais le vin me monter à la tête au même rythme qu'il s'écoulait dans ma gorge. Je suis médecin Gordon, je sais calculer une date de conception, et je n’étais pas avec toi ce jour là. Mais oui, bien sur qu'elle continuait de coucher avec cet enfoiré de Berto. Comment aurait-il pu en être autrement? J'ai été bien naïf de croire le contraire, qu'elle pourrait l'oublier, se rendre compte qu'il n'était pas l'homme qui lui convenait. Était-ce nécessairement moi, l'homme qui lui convenait? Je ne saurais dire... à tout le moins, j'ai toujours été honnête envers elle, les sentiments que je ressens pour elle, la place importante qu'elle occupe dans ma vie. Je ne l'aurais jamais laissé tombé. Mais là, tout est différent.

Je suis marié. J’aime encore Berto. Ce bébé est de lui. Comment pourrais-je la contredire? Qu'est-ce que j'en sais de ce qu'elle ressent vraiment au fond? J'ai été lamentablement berné depuis le début par cette femme avec qui j'avais imaginé un avenir. Plus qu'une amie, qu'une partenaire d'affaires... Pour Zenia, j'aurais pu laisser tomber toutes les autres. Elle aurait été mon bras droit. Celle en qui j'ai une totale et aveugle confiance. Parce que c'est ce qu'il faut dans notre milieu. Tout s'écroule lorsque nos prétendus alliés décident de retourner leur veste.

Si je n’attendais pas cet enfant cela aurait pu être différent . Mais oui, bien sur. Et moi alors? Elle n'a jamais pensé que peut-être j'aurais pu aimé lui offrir ce qu'elle voulait? Une famille, des enfants? Entendez-moi bien. Je pourrais vivre sans famille, mais je ne peux pas dire que je m'opposerais au fait d'avoir des enfants. Peut-être, un jour. Qui sait. Qui a dit que nous ferions ce que nous faisons jusqu'à la fin de nos jours? Si je voulais, je pourrais mettre un terme à tout ça et vivre seulement de ma société et mon cabinet, sans ses ramifications... illégales. Je ne dis pas que c'est ce que je veux... juste que je ne serais peut-être pas fermé à l'idée si ma situation devait... changer. Mais ce n'est pas prêt d'arriver de si tôt de toute évidence.

Je t’ai juste donné une dernière danse, un dernier moment avant de nous dire aurevoir. Mais qui fait ce genre de chose? C'est tellement cruel, même pour elle. Je l'entends alors ramasser ses vêtements, se préparer à se rhabiller pour partir, tel que je lui ai sommé de faire. Mes mots avaient un peu dépassé ma pensée. Mais en même temps, je n'arrivais plus à la regarder dans les yeux, j'avais trop honte, j'étais trop blessé, ça faisait trop mal. Mais si elle partait, je me retrouverais dans le silence et je pense que ce serait encore pire. Tu sais comment ça se passe dans notre monde, on ne quitte pas le trafic comme ça et encore moins son mari. Je relève la tête et regarde dans sa direction.

Non, tu as bien raison, on ne quitte pas le trafic facilement. Mais tes alliés, tes partenaires, ça, tu t'en fiches de les trahir de manière aussi cavalière? Moi qui croyais qu'on pouvait se faire confiance. Que tu étais honnête envers moi. Que tu cherchais plus que simplement une bonne baise le jeudi soir. En tout cas, on peux dire que tu es douée, fichtrement douée. Je me suis bêtement laissé manipulé comme un jeune de vingt ans qui ne connait rien à la vie. J'ai cru à tes belles paroles. J'ai cru que tu étais sincère, parce que moi je l'étais.

Je me redresse et me rapproche dans sa direction alors qu'elle a presque terminé de se rhabiller.

Alors, il se passe quoi maintenant? On oublie tout, on fait comme si rien ne s'était passé? Je te laisse vivre ta vie entre les bras de ce connard de Berto et moi je continue la mienne en oubliant les sentiments que j'ai pour toi? C'est ça que tu veux? Réfléchis bien Zenia. Tu le sais qu'on pourrait être heureux, que je pourrais te donner tout ce que tu souhaites. Je pourrais te donner la vie de famille que tu veux. Alors réfléchis bien, car il n'y aura pas de retour en arrière.

Ma voix tremble dans un mélange d'agonie et de colère. Je réussis à la regarder dans les yeux alors que je sens à nouveau des larmes se former et rouler sur mes joues.

°° Moules, frites et révélations °°

Me rhabiller et filer d’ici c’est la seule chose que je dois faire, je dois me retrouver le plus loin possible de Gordon sinon je n’aurais jamais la force de le quitter. Je sais que mes paroles me font passer pour une garce sans cœur, il pense que je suis une manipulatrice et je veux qu’il le pense parce que plus vite il me déteste et plus vite, il arrivera à m’oublier. Ma stratégie est celle-ci : le blesser pour qu’il n’ait pas envie de me courir après parce que si je lui laisse la chance de me prouver combien il m’aime, je ne pourrai pas aller jusqu’au bout. Je n’ai pas le choix, je ne peux pas quitter Berto, je dois sauver mon mariage ce bébé est forcément de lui ce n’est pas possible autrement. J’entends dans le ton de sa voix, dans ses paroles combien il est déçu de moi, combien je le fais souffrir et vous savez quoi ? Cela me brise le cœur, mon être se déchire de lui infliger tant de souffrance, d’habitude, j’arrive à jouer facilement mon jeu de sombre garce, mais aujourd’hui, je crois que c’est une de mes prestations les plus difficiles à réaliser.

« Je ne t’ai jamais rien promis Gordon , tu le sais aussi bien que moi. Oui, ça allait mal dans mon couple, mais à aucun moment, je n’ai parlé de séparation quand nous avons commencé notre aventure. Je ne t’ai jamais menti sur le fait que j’aimais toujours Berto, tu le savais pertinemment. Je ne trahis pas mon associé ou mon allié d’affaire, ne confond pas le business et les affaires de cul ! »



Il se rapproche de moi et inconsciemment, je me raidis. C’est tellement dur de le sentir si près et de devoir se retenir, de contrôler ses mouvements pour ne pas tout bonnement lui sauter dans les bras et lui dire combien je l’aime. Qu’est-ce qu’il va se passer maintenant ? En vérité, je n’en sais fichtrement rien, je sais que je vais être une mère pour le reste, je vais tenter d’être heureuse auprès de mon mari, tenter de retrouver cette cohésion que nous avions avant que la vie nous brise en morceaux. J’aimerais que tous soient plus simples, j’aimerais ne pas avoir à te faire du mal, j’aimerais tellement pouvoir tomber dans tes bras, te dire combien je t’aime. Parce que oui sombre idiot, je t’aime aussi, mais des décisions doivent être prises. Ta voix tremble et j’ose à peine te regarder, ça me fait trop mal, d’autant plus quand des larmes perlent sur ton visage et que je dois retenir les miennes. J’aimerais pouvoir te dire que tu as comblé ma vie ces derniers mois que je m’en suis relevé grâce à toi, mais tout ce que j’ai le droit de te dire, c’est :

« Oui, on va faire comme si de rien ne s’était passé parce qu’on a des affaires à faire marcher, on appartient à un monde où on n'a pas le droit de laisser nos sentiments prendre le dessus. Ma décision a été mûrement réfléchie et oui comme tu dis, aucun retour en arrière ne sera possible. »

Ma voix et ferme et posé quand je prononce ces mots, je n’ai d’ailleurs même pas l’impression que c’est moi qui viens de parler. C’est comme si j’assisté à la scène hors de mon corps, que ma raison avait pris possession de ma voix pendant que mon cœur regardait tout en se liquéfiant de douleur. À cet instant, je suis une force de la nature, mais une fois que j’aurais passé cette porte, je ne serais que l’ombre de moi-même et je sais que j’irais me réfugier chez Gemma pour pleurer toutes les larmes de mon corps.